(Kiev) L’Ukraine a remis jeudi en liberté conditionnelle un « suspect » dans l’enquête sur la catastrophe du vol MH17 abattu par un missile russe, alors que cet homme pourrait selon des médias être remis à Moscou lors d’un prochain échange de prisonniers.

Cette décision a été prise par un juge de la cour d’appel, Iouri Slyva, qui a ordonné de « libérer immédiatement Tsemakh Volodymyr Borysovytch dans la salle de tribunal ».

En échange, ce dernier a dû s’engager à ne pas s’enfuir et à se présenter au tribunal dans le cadre de son procès pour terrorisme, qui se poursuit à Kiev.

Ancien responsable de la « défense antiaérienne » des séparatistes de l’est de l’Ukraine, M. Tsemakh, 58 ans, est considéré comme un « suspect clé » dans l’affaire du MH17 abattu en 2014 par un missile russe au-dessus de l’Ukraine, selon une lettre publiée mercredi et signée par 40 députés européens.

Ces 40 députés avaient appelé dans leur lettre le président ukrainien Volodymyr Zelensky à ne pas livrer M. Tsemakh à la Russie, qui réfute farouchement son implication dans la catastrophe du MH17.  

Mardi, les enquêteurs néerlandais de l’écrasement avaient déjà déclaré souhaiter que ce prisonnier reste en Ukraine pour être interrogé.  

Capturé en juin par les services secrets ukrainiens à son domicile dans le territoire séparatiste, il a été secrètement transféré à Kiev et y est jugé depuis pour « participation à une organisation terroriste », expression utilisée par l’Ukraine pour qualifier les activités militaires des séparatistes.

Selon des médias russes et ukrainiens, le cas de M. Tsemakh bloquait un échange de prisonniers négocié depuis des mois entre Moscou et Kiev, le Kremlin exigeant que Tsemakh soit livré.

Une source ukrainienne proche du dossier a indiqué jeudi à l’AFP que cet échange pourrait avoir lieu « prochainement », probablement cette semaine. Interrogée pour savoir si M. Tsemakh allait en faire partie, elle s’est refusée de toute commentaire.

La semaine dernière, la même cour d’appel avait créé la surprise en remettant en liberté conditionnelle un journaliste ukraino-russe, Kyrylo Vychynsky, accusé de « haute trahison » au profit de Moscou. Il pourrait lui aussi faire partie de l’échange de prisonniers avec Moscou.  

La remise en liberté de M. Tsemakh a provoqué de vives critiques en Ukraine. « S’il part pour la Russie […], ce serait une honte » pour le président Zelensky aux « conséquences imprévisibles » pour les relations entre Kiev et ses partenaires occidentaux, a écrit sur Facebook Serguiy Sydorenko, rédacteur en chef de l’influent site Evropeïska Pravda.  

Le Boeing de la compagnie Malaysia Airlines, parti d’Amsterdam pour Kuala Lumpur le 17 juillet 2014, avait été touché en plein vol au-dessus de la zone de guerre avec les séparatistes dans l’est de l’Ukraine. Les 298 personnes à son bord, dont 196 Néerlandais, avaient péri.

Les enquêteurs internationaux ont établi que l’avion avait été abattu par un missile BUK, provenant de la 53e brigade antiaérienne russe basée à Koursk, dans le sud-ouest de la Russie.  

L’Ukraine et l’Occident accusent la Russie de soutenir militairement les séparatistes, une guerre qui a fait environ 13 000 morts depuis son déclenchement en avril 2014.