(Skála Sykaminéas) À Skala Sykamineas, village de pêcheurs de Lesbos, où environ 500 migrants ont débarqué jeudi soir, les habitants craignent une explosion des arrivées et une réédition de la crise migratoire de 2015.

« Je ne pourrai jamais oublier les milliers de personnes qui ont débarqué sur la plage pendant l’été 2015 … Des enfants, des familles, traumatisés par une traversée difficile », se rappelle, émue, Elpiniki Laoumi qui tient une taverne sur cette plage du nord de l’île grecque.  

Au pic de la crise migratoire de 2015, jusqu’à 1000 exilés par jour arrivaient ici depuis les côtes turques voisines sur des canots gonflables.  

Quelques gilets de sauvetage et canots pneumatiques dégonflés restent visibles de manière éparse, mais le paysage ne ressemble en rien à celui de l’été 2015.  

Pour les habitants, pas question de revivre cette crise migratoire qui les a profondément marqués.  

Jeudi soir, les autorités ont annoncé que treize bateaux étaient arrivés à Lesbos avec plus de 540 personnes à leur bord, dont 240 enfants, « une hausse sans précédent », selon une source diplomatique grecque.  

Le ministre des Affaires étrangères Nikos Dendias a même convoqué vendredi l’ambassadeur turc en Grèce pour lui rappeler les obligations d’Ankara en vertu de la déclaration UE-Turquie de mars 2016.  

Face à l’augmentation récente des flux migratoires, une réunion gouvernementale était présidée samedi par le premier ministre grec Kyriakos Mitsotakis.  

À Skala Sykamineas, Elpiniki Laoumi craint que les arrivées de migrants n’augmentent soudainement. « Les 13 barques sont venues juste devant le restaurant… Je ne veux plus revoir les mêmes images qu’en 2015 ! », soupire la sexagénaire.  

« Cela me fait toujours de la peine de voir des jeunes quitter leur pays et venir sans rien dans un nouveau pays parce qu’ils n’ont pas d’autre choix », ajoute Stella, une Grecque qui a émigré jeune en Australie et qui revient en vacances sur son île natale.  

« Beaucoup d’habitants se plaignent des réfugiés, et pensent qu’ils viennent par choix. Mais moi je sais ce que c’est qu’être réfugiée et ce n’est jamais facile ! », poursuit la retraitée.  

« Le mois de juillet 2019 était le mois comptant le nombre le plus élevé d’arrivées depuis mars 2016 et, depuis lors, nous avons dépassé de beaucoup ce chiffre avec plus de 3000 arrivées rien qu’au mois d’août », a expliqué vendredi à l’AFP Astrid Castelein, cheffe de la délégation de l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) sur l’île.  

Vers le camp surpeuplé de Moria

Les 546 réfugiés qui ont débarqué jeudi sur la plage de Skala Sykamineas, parmi lesquels une majorité d’Afghans et de familles selon le HCR,  ont été accueillis dans un camp de transit près du village avant d’être transférés dans le « hotspot » de Moria pour être enregistrés et déposer leur demande d’asile.  

« Ce camp de transit est là pour aider les habitants et les autorités locales, et permettre aux réfugiés de ne pas rester sur la plage comme avant », explique Leon Theologou, responsable du site pour le HCR.  

« Nous leur donnons à manger, des vêtements propres, leur permettons de prendre une douche et nous repérons aussi les personnes qui ont besoin de soins ainsi que les mineurs non accompagnés », poursuit Leon Theologou.  

Samedi, tous les réfugiés arrivés jeudi devaient être transférés dans le camp de Moria à plusieurs kilomètres du village de Skala Sykamineas. Mais le centre d’enregistrement et d’identification héberge déjà plus de 10 000 personnes soit quatre fois la capacité évaluée par le HCR.  

Les conditions d’hygiène y sont insalubres et les nouveaux arrivants ne bénéficient même pas d’une tente.  

Wasek, 25 ans, est arrivé avec les dix membres de sa famille il y a une semaine, et dort à l’extérieur du camp sur de simples couvertures grises. Parmi les plaids, un bébé de 8 mois. « Nous avons un bébé, ma mère est très malade… Nous ne pouvons pas rester dans ces conditions très longtemps, surtout que les températures vont commencer à baisser… », confie le jeune Afghan.

Pour désengorger le camp de Moria, le gouvernement grec a annoncé vendredi qu’un millier de personnes seraient transférées de cet endroit mardi dans des camps du nord de la Grèce.