(Londres) La reine Élisabeth II se retrouve aspirée dans le maelström du Brexit après avoir dû approuver la suspension du Parlement, un acte éminemment politique pour un rôle, le sien, traditionnellement neutre.

La monarque de 93 ans a approuvé la décision du premier ministre Boris Johnson de suspendre le Parlement de la deuxième semaine de septembre jusqu’au 14 octobre, soit peu avant la date de sortie de l’Union européenne de son royaume, le 31 octobre.

Cette décision a déclenché une tempête politique, puisqu’elle laisse très peu de temps aux nombreux députés opposés à un Brexit dur pour l’arrêter, si Boris Johnson ne conclut pas un accord de retrait avec Bruxelles. Le premier ministre assure que le pays quittera l’UE avec ou sans accord.

Pour les experts en droit constitutionnel, la souveraine n’avait d’autre choix que d’approuver la demande. Le Royaume-Uni est une monarchie constitutionnelle, donc la reine peut être consultée, mettre en garde ou encourager, mais elle ne peut agir qu’en suivant le conseil de ses ministres.  

« C’est la plus vieille règle de la constitution », souligne Robert Craig, de l’université de Durham, auprès de l’AFP.

Autrement dit : la reine règne, mais le premier ministre gouverne.

Eaux dangereuses

Élisabeth II risque toutefois de se trouver sous peu dans des eaux dangereuses, relève Mike Gordon, professeur de droit constitutionnel à l’université de Liverpool. « Elle est dans une situation compliquée parce qu’elle est entrainée dans le débat politique le plus clivant et le plus confrontationnel du pays », souligne-t-il.

Les opposants de Boris Johnson tentent de légiférer pour arrêter une sortie de l’UE sans accord. S’ils réussissent, « il se peut que le gouvernement lui demande de ne pas donner son approbation et là, nous serons en territoire constitutionnel délicat », explique Mike Gordon. « La convention qui veut qu’elle donne son approbation au Parlement entrera en conflit avec celle qui veut qu’elle suive l’avis de ses ministres », ajoute-t-il.

La constitution britannique n’est pas écrite et se base sur des précédents et conventions.

La dernière souveraine ayant refusé d’approuver une loi était la reine Anne, en 1708.

Sur le trône depuis 1952, Élisabeth II détient le record de longévité des monarques et elle est sans nul doute celle qui connait le mieux ses devoirs.

Mais son rôle de chef d’État, contrairement aux pays où ils jouent un rôle actif dans la formation du gouvernement, se borne à entériner le choix des responsables politiques.

Sa neutralité est si parfaite que nul ne sait ce qu’elle pense des grandes questions politiques qui agitent le pays.

Seule exception récente : le référendum sur l’indépendance de l’Écosse, en 2014. En déclarant : « J’espère que les gens réfléchiront très soigneusement à l’avenir », elle a exprimé une inquiétude immédiatement interprétée par les oracles comme de l’hostilité à l’indépendance.

Sur le Brexit, autre enjeu historique, elle reste bouche cousue. Les observateurs en sont réduits à commenter la couleur de son chapeau pour y voir une prise de position quand elle arbore les couleurs du drapeau européen.

Et le tabloïd europhobe The Sun s’est fait rappeler à l’ordre par le régulateur des médias pour avoir affirmé peu avant le référendum de juin 2016 qu’Élisabeth II soutenait le Brexit.