(Rome) L’Italie s’est retrouvée sans vrai gouvernement mardi après la démission du premier ministre Giuseppe Conte, qui a pris acte du divorce entre le Mouvement 5 Étoiles (M5S) dont il est proche, et la Ligue du ministre de l’Intérieur Matteo Salvini.

Peu après 21h locales, M. Conte est arrivé au palais du Quirinal où il a présenté sa démission au président Sergio Mattarella qui l’a chargé, comme c’est la pratique, d’expédier les affaires courantes.

Avec la fin du gouvernement né en juin 2018, l’Italie entre dans une période de flottement dont M. Mattarella détient la clef. Des consultations vont démarrer à partir de 16h mercredi et devraient durer jusqu’à jeudi soir, avec le défilé de toute la classe politique italienne pour explorer la possibilité d’une nouvelle majorité.

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Sergio Mattarella et Giuseppe Conte se sont rencontrés mardi au au palais du Quirinal, à Rome.

Plusieurs hypothèses se dessinent : le chef de l’État pourrait demander à M. Conte de rester à la tête du pays pour piloter un gouvernement de transition.  

Beaucoup d’observateurs estiment que le premier ministre, accueilli dans la journée au Sénat par une banderole «Conte, l’Italie t’aime», sort grandi de la crise.  

Le chef du M5S Luigi di Maio, l’a qualifié de «serviteur de la nation dont l’Italie ne peut pas se passer».

Un gouvernement «Conte bis» pourrait avancer dans l’élaboration du budget pour 2020 et éviter une hausse automatique de la taxe sur la valeur ajoutée prévue l’an prochain, si rien n’est fait avant pour combler un trou de 23 milliards dans les caisses de l’État.

Cela donnerait le temps au M5S de peut-être nouer avec le Parti démocrate un pacte pour «un gouvernement fort et de renouvellement dans son programme», selon les termes du chef du PD Nicola Zingaretti.

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Matteo Renzi

L’idée d’une alliance PD-M5S est venue, par surprise, de l’ex-chef de gouvernement Matteo Renzi, toujours poids lourd du PD, qui a proposé à ses anciens ennemis du M5S une réconciliation et un gouvernement «institutionnel».

«Ouvrir une nouvelle page»

«J’espère qu’avec la défaite de Salvini, nous pourrons ouvrir une nouvelle page pour l’Italie», a déclaré M. Renzi. «L’accord entre le M5S et le PD peut être une solution», a-t-il ajouté, en dépit des fortes inimitiés du passé car «le plus important c’est la sécurité financière de l’Italie».  

Après l’annonce de la fin de la coalition bancale M5S-Ligue, les marchés, très préoccupés par l’instabilité d’une Italie que son énorme endettement (132% du PIB) place juste derrière la Grèce, se sont détendus.

Une autre piste pour M. Mattarella a été suggérée par l’ex-premier ministre et ancien président de la Commission européenne Romano Prodi, qui propose un gouvernement pro-européen baptisé «Ursula», du nom de la nouvelle présidente de la Commission européenne, l’Allemande Ursula von der Leyen.

M. Prodi, très écouté, imagine une alliance gauche-droite, pouvant associer Forza Italiade Silvio Berlusconi.  

L’ancien président du parlement européen Antonio Tajani, un proche de M. Berlusconi, a jugé «impossible» une coalition Ursula, privilégiant un rassemblement de la droite «libérale». Pour lui, «ce ne sera pas facile d’organiser un mariage» PD-M5S.

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Matteo Salvini discute mardi avec Giuseppe Conte.

Avant d’annoncer son départ M. Conte a fustigé M. Salvini, qualifié d’«irresponsable» et d’«opportuniste» pour avoir voulu «poursuivre ses propres intérêts et ceux de son parti» en faisant éclater la coalition.

Il faisait référence au pressing de son vice-premier ministre pour obtenir des élections immédiates, afin de capitaliser sur des sondages très favorables (36 à 38% des voix pour la Ligue, plus de 50% en cas d’alliance avec la droite traditionnelle). 

Le professeur de droit a aussi accusé le ministre de l’Intérieur de faire «courir de graves risques au pays», évoquant le danger d’une spirale négative pour la troisième économie de la zone euro et d’importants rendez-vous qui attendent l’Italie, dont le choix de son commissaire européen prévu lundi.

Salvini a maintenu sa ligne après la démission de M. Conte, assurant qu’il irait au Quirinal en qualité de chef de la Ligue pour réclamer au président «la voie royale» du retour aux urnes car «en démocratie la chose la plus belle est de voter».