(Lampedusa) Les migrants recueillis en Méditerranée par le navire humanitaire Open Arms reprennent leurs esprits à Lampedusa, dans le sud de l’Italie, où ils ont pu débarquer dans la nuit de mardi à mercredi.

Les 147 occupants du bateau ont rejoint d’autres migrants dans le centre d’accueil situé au cœur de cette petite île sicilienne et conçu pour accueillir moins de cent personnes en attente d’un éventuel transfert vers d’autres installations.

Après une inspection en compagnie de policiers et de deux médecins, le procureur d’Agrigente, Luigi Patronaggio, a décidé mardi que les rescapés devaient débarquer sur cette île très touristique située entre l’Italie et la Tunisie.  

REUTERS

Des migrants du Open Arms patientent dans un centre d’accueil à Lampedusa.

Le navire Open Arms, de l’organisation humanitaire espagnole du même nom, a appareillé dans la nuit et a accosté mercredi midi dans le port sicilien de Porto Empedocle, où il est mis sous séquestre par le procureur d’Agrigente. Son commandant est resté à son bord tandis que la plupart des membres de l’équipage, soulagés mais épuisés, sont repartis dans la journée.

Mardi, l’annonce du débarquement avait suscité des explosions de joie sur l’Open Arms. Après en être descendus un à un, parfois en boitant, et avoir subi un bref contrôle médical, les migrants avaient été conduits au centre d’accueil dans des camionnettes.

«C’est une victoire parce que les institutions italiennes ont finalement décidé de respecter ces personnes», a déclaré le responsable italien d’Open Arms, Riccardo Gatti. «Mais c’est surtout une honte parce qu’on les a laissés en mer pendant près de 20 jours, alors que leur détresse était connue».  

Envoi d’une délégation française

Paris a annoncé mercredi l’envoi en Italie d’une délégation de l’Office français de protection des réfugiés pour étudier la situation de «la quarantaine» de migrants de l’Open Arms qu’elle s’est engagée à accueillir.

Les personnes secourues présentes à bord de ce navire s’étaient vu refuser par les autorités italiennes l’accès à Lampedusa, bien que six pays européens (France, Allemagne, Luxembourg, Portugal, Roumanie et Espagne) se soient engagés à les accueillir.

AP

Une femme débarque du Ocean Arms dans la nuit de mardi à mercredi.

Certains ont passé 19 jours à son bord, égalant ainsi le record des migrants recueillis par le Sea Watch 3 fin décembre avant leur débarquement à Malte le 9 janvier dernier.

Face au refus du ministre italien de l’Intérieur sortant Matteo Salvini de les laisser descendre à terre, Madrid a fini mardi par envoyer un bâtiment de guerre vers Lampedusa pour y prendre directement en charge des migrants et les emmener à Majorque, à environ mille kilomètres de la Sicile.

Ce navire est parti à 18h30 de la base de Rota pour un voyage de trois jours vers Lampedusa.  

L’Ocean Viking encore en mer

Le procureur italien a pris la décision de mettre préventivement sous séquestre l’Open Arms, dans le cadre d’une enquête contre «X» pour séquestration de personnes, omission et refus d’actes officiels. Matteo Salvini a affirmé, sur Facebook, qu’elle le visait directement.

Il ne reste plus qu’un bateau humanitaire, l’Ocean Viking, capable d’aller secourir les embarcations de fortune qui s’élancent régulièrement à partir des côtes libyennes, avec des migrants à leur bord.

L’Ocean Viking, affrété par les ONG SOS Méditerranée et Médecins sans frontières, cherche lui aussi à débarquer dans un port sûr 356 migrants.

PHOTO AFP

L’Ocean Viking se trouve dans le canal de Sicile, entre Malte et Lampedusa.

Interdit par les autorités maltaises au dernier moment de se ravitailler, à l’aller, en eau et en carburant, il est contraint d’économiser ces ressources. L’homme fort du gouvernement italien sortant Matteo Salvini lui avait interdit d’approcher des côtes de son pays.

Faute de consensus européen pour accueillir les migrants secourus par les navires d’ONG, leur sort fait régulièrement l’objet de longues et difficiles négociations entre États.

«Ces situations nous rappellent avec acuité l’importance d’avoir un mécanisme de gestion des questions migratoires qui se fasse à l’échelle européenne parce que sans cela ces situations se répèteront et ne sont évidemment pas acceptables pour les migrants» qui tentent des traversées de la Méditerranée, a souligné la porte-parole du gouvernement français, Sibeth Ndiaye.