(Moscou) Leur rassemblement étant interdit, seuls quelques dizaines de militants d’opposition ont manifesté samedi « en solitaire » dans le cadre du mouvement de contestation électorale qui agite depuis un mois Moscou, où un rassemblement autorisé des communistes a attiré peu de monde.

Débutée mi-juillet, cette mobilisation contre l’exclusion de candidats à un scrutin local a depuis été fermement réprimée par la police, qui a procédé au total à près de 3000 interpellations. Les meneurs du mouvement ont été emprisonnés, dont le principal opposant au Kremlin, le blogueur anticorruption Alexeï Navalny.  

La semaine dernière, lors du quatrième week-end de protestation, plus de 50 000 personnes s’étaient réunies sur l’avenue Sakharov, près du centre de Moscou, lors d’un rassemblement autorisé à l’appel de l’opposition libérale, du jamais vu depuis les protestations contre le retour de Vladimir Poutine au Kremlin en 2012.  

N’ayant cette fois pas reçu l’autorisation de manifester sur l’avenue Sakharov, des dizaines de militants ont dû se résoudre samedi à protester « en solitaire » sous la pluie, en tenant des affiches.

Cette technique est souvent utilisée en Russie pour s’exprimer sans avoir à obtenir une autorisation des autorités. Il faut alors respecter une distance de 50 mètres entre chaque manifestant, comme l’exige la loi.

Maria Riabikova, 45 ans, portait une pancarte en soutien à un manifestant arrêté et risquant cinq ans de prison. « Les temps étaient déjà durs avant, mais maintenant les autorités n’essayent même plus de cacher ce qu’elles font », a-t-elle affirmé à l’AFP.

Candidate de l’opposition exclue du scrutin, la militante Elena Roussakova a indiqué qu’elle allait continuer à manifester « contre les arrestations injustifiées ».

Selon l’organisation spécialisée OVD-Info, douze personnes ont été interpellées lors d’une action semblable à Saint-Pétersbourg. À Moscou, des médias locaux ont signalé un incident avec des policiers dans une rue piétonne du centre de la capitale, mais pas de violences ou d’interpellations massives comme lors des précédentes mobilisations.  

Réunion communiste

En parallèle, un rassemblement autorisé des communistes sur l’avenue Sakharov a réuni un peu plus de 4000 personnes, selon l’ONG indépendante White Counter.  

Considérés comme des opposants « tolérés » par le Kremlin, les communistes avaient appelé à manifester pour des « élections propres », bien que leurs candidats n’aient pas été exclus du scrutin en question, car leur parti est présent au Parlement national.  

Le mouvement de contestation a éclaté après le rejet, officiellement pour des vices de forme, de l’enregistrement d’une soixantaine de candidats indépendants à l’élection du Parlement de Moscou, prévue le 8 septembre. Chargée de valider le budget faramineux de la capitale, cette instance est actuellement composée de fidèles du maire pro-Kremlin, Sergueï Sobianine.

Devenue une figure de proue de la contestation, Lioubov Sobol, soutien d’Alexeï Navalny, a publié jeudi une vidéo accusant, documents à l’appui, le président du Parlement moscovite de posséder un luxueux appartement loin de correspondre à ses revenus déclarés.  

« Voilà pourquoi ils tiennent tant à leurs sièges », a-t-elle accusé sur Twitter. La veille, cette avocate de 31 ans avait annoncé la fin d’une grève de la faim entamée quatre semaines auparavant pour protester contre son éviction du scrutin.

L’organisation de M. Navalny, le Fonds de lutte contre la corruption, avait par ailleurs accusé l’adjointe du maire de Moscou chargé des élections d’avoir détourné des milliards de roubles d’argent public dans la gestion du parc immobilier de la municipalité. Le Fonds fait désormais l’objet d’une enquête pour « blanchiment » d’argent.

Des enquêtes criminelles ont également été ouvertes contre au moins 14 personnes, accusées d’avoir participé à des « troubles massifs » ou des « violences » contre la police. Étudiants, programmeurs, réalisateurs ou militants politiques, ils encourent jusqu’à 10 ans de prison.

Évoquant pour la première fois ce mouvement de contestation, le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov a nié cette semaine toute « crise politique » et défendu la fermeté des forces de l’ordre, accusée de violences envers les manifestants.

Les élections au Parlement de Moscou, qui se tiendront parallèlement à d’autres scrutins régionaux et locaux,  s’annoncent difficiles pour les candidats du pouvoir, dans un contexte de grogne sociale et de stagnation économique.