(La Haye) La Cour suprême des Pays-Bas a réduit vendredi la responsabilité de l’État néerlandais dans la mort de plusieurs centaines d’hommes musulmans lors du massacre de Srebrenica en 1995, une des pages les plus noires de la guerre de Bosnie (1992-1995), jugeant qu’il n’avait qu’une responsabilité « très limitée ».

La Cour a ramené la responsabilité de l’État néerlandais à 10 % des dommages subis par les familles d’environ 350 des victimes tuées par les forces serbes de Bosnie, contre 30 % en appel deux ans auparavant.

« Nous avons subi humiliation après humiliation. Nous n’avions même pas d’interprète pendant l’audience », a déclaré auprès de l’AFP Munira Subasic, présidente des « Mères de Srebrenica », une association de proches des victimes qui se bat depuis des années pour obtenir une reconnaissance de la responsabilité de l’État néerlandais.

À Srebrenica, « chaque vie a été enlevée à 100 %. Nous ne pouvons rien faire avec 10 % », a poursuivi Mme Subasic,  qui a perdu son époux et son fils de 16 ans. Deux os étaient tout ce qu’elle a retrouvé des restes de son enfant, a-t-elle témoigné, soit « moins de 10 % de son corps ».

Le rôle des Casques bleus néerlandais déployés dans l’enclave de Srebrenica, limitrophe de la Serbie et placée sous la protection des Nations unies lors du conflit, reste un sujet sensible aux Pays-Bas où d’anciens soldats affirment être marqués à jamais.

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Des Casques bleus néerlandais déployés dans le village de Potocari, au nord de Srebrenica en juillet 1995

Près de 8000 morts

Connus sous le nom de « Dutchbat » et retranchés dans leur base, les Casques bleus néerlandais avaient recueilli des milliers de réfugiés dans l’enclave lorsqu’elle a été prise le 11 juillet 1995 par les forces serbes de Bosnie.

Mais, submergés, ils avaient permis aux Serbes de Bosnie d’évacuer les réfugiés. Les hommes et les garçons avaient alors été séparés et mis dans des autocars. Au total, près de 8000 hommes et garçons musulmans ont été tués au cours du massacre.

Près de 25 ans après les événements meurtriers, la plus haute juridiction du pays a donc dédouané en partie l’État néerlandais, estimant que sa responsabilité ne pouvait être démontrée que dans une faible mesure.

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« L’État néerlandais a une responsabilité très limitée, [… établie] à 10 % des dommages subis par les familles d’environ 350 victimes », a déclaré lors d’une audience le juge président Kees Streefkerk.

La juridiction a établi ce pourcentage en fonction de la chance de survie de ces hommes et garçons musulmans si les Casques bleus néerlandais n’avaient pas permis leur évacuation par les Serbes de Bosnie, avant d’être conduits vers la mort.

La Cour suprême estime en effet que « l’État avait agi à tort » concernant ces 350 musulmans livrés aux Serbes alors que ceux-ci ignoraient leur présence.

« Minces, mais pas négligeables »

Les Casques bleus néerlandais « ne leur ont pas laissé le choix de rester là où ils étaient, alors que cela aurait été possible », ont estimé les juges.

Les laisser rester ne leur aurait pas forcément sauvé la vie, mais « leurs chances d’échapper aux Serbes de Bosnie si on leur avait donné le choix de rester étaient minces, mais pas négligeables », ont-ils poursuivi.

Certains Casques bleus néerlandais qui ont servi à Srebrenica ont indiqué par le passé s’être sentis délaissés par leur hiérarchie et par le gouvernement. L’un d’entre eux, âgé de 19 ans au moment des faits, était « déçu » à l’issue de l’audience.

Ce qui s’est passé à Srebrenica reste un épisode douloureux dans l’histoire des Pays-Bas. De premières informations sur le rôle de l’État néerlandais avait conduit le gouvernement entier à démissionner en 2002.

Deux grands noms de la guerre de Bosnie ont été condamnés notamment pour leur rôle dans le massacre à Srebrenica : l’ex-chef politique des Serbes de Bosnie Radovan Karadzic, 73 ans, condamné en appel à la prison à perpétuité, et son alter ego militaire Ratko Mladic, 76 ans. Surnommé le « boucher des Balkans », ce dernier a fait appel après avoir été condamné à la même peine.