(Rome) La tension montait mardi autour du navire humanitaire Sea-Watch, qui menace de forcer le blocus italien au large de l’île de Lampedusa pour débarquer 42 migrants bloqués à bord depuis 13 jours.

Saisie par l’ONG allemande Sea-Watch, la Cour européenne des droits de l’Homme a refusé mardi d’intervenir en urgence, demandant cependant à l’Italie de « continuer de fournir toute assistance nécessaire » aux personnes vulnérables à bord.

Dans une interview publiée mardi matin par le quotidien italien La Repubblica, la capitaine du navire, Carola Rackete, une Allemande de 31 ans, avait dit attendre la décision de la cour avant d’agir.

« Je vais entrer dans les eaux italiennes et les porter en lieu sûr à Lampedusa […]. Je n’ai pas d’autre choix », avait-elle assuré.

La jeune capitaine de 31 ans et les responsables de l’ONG risqueraient alors des poursuites pour aide à l’immigration clandestine, ainsi que la saisie du bateau et une amende de 50 000 euros conformément à un nouveau décret du ministre italien de l’Intérieur, Matteo Salvini (extrême droite).

« En ce qui me concerne, le Sea-Watch n’arrivera pas en Italie, il peut rester là jusqu’à Noël et le Nouvel An », a répété mardi matin l’homme fort du gouvernement italien, qui pointe régulièrement du doigt les Pays-Bas, dont le Sea-Watch bat le pavillon.

« Cela fait 13 jours, ils auraient eu le temps d’aller aux Pays-Bas et de revenir », a-t-il assuré, en accusant l’ONG de tenir les migrants « en otage » à des fins de provocation politique.

Sur les 53 migrants secourus le 12 juin par le Sea-Watch au large de la Libye, l’Italie a déjà accepté le débarquement de 11 personnes vulnérables (enfants, femmes, malades…).

« Maintenant basta (assez) ! », a insisté M. Salvini, promettant de ne pas changer de ligne, quoi que dise la cour.

En fin d’après-midi, il s’est réjoui de la décision. « La Cour européenne de Strasbourg confirme aussi le choix de l’ordre, du bon sens, de la légalité et de la justice : les ports sont fermés pour les trafiquants d’êtres humains et leurs complices », a-t-il écrit.

À terre, des dizaines de villes allemandes se sont dites prêtes à accueillir les migrants, et l’évêque de Turin, Mgr Cesare Noviglia, a annoncé lundi que son diocèse proposait de les prendre en charge.

Carmelo La Magra, le curé de Lampedusa, où la Ligue de M. Salvini a obtenu 45 % des voix aux élections européennes de mai, campe depuis plusieurs jours sur le parvis de son église pour réclamer le débarquement des migrants, parmi lesquels se trouvent encore trois mineurs.

Dans une vidéo diffusée par l’ONG, un migrant originaire de Côte d’Ivoire a lancé un appel : « nous ne pouvons plus tenir, nous sommes comme dans une prison, parce que nous sommes privés de tout […]. Aidez-nous, pensez à nous ».  

En janvier, 32 migrants secourus par le Sea-Watch étaient restés bloqués 18 jours à bord avant de pouvoir débarquer à Malte grâce à un accord de répartition entre plusieurs pays européens.