(Berlin) L’enquête sur le meurtre au début du mois d’un élu local allemand pro-migrants, membre du parti conservateur CDU d’Angela Merkel, s’oriente vers la piste d’un «attentat politique» d’extrême droite, une nouvelle jugée «déprimante» par la chancelière.

«Selon l’état actuel des enquêtes, il y a suffisamment d’éléments pour parler d’un arrière-plan d’extrême droite» au sujet du meurtre de ce responsable politique, pour lequel un suspect de 45 ans a été arrêté au cours du week-end, a indiqué lundi le parquet antiterroriste allemand dans un communiqué, parlant d’un soupçon d’«attentat politique».

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Angela Merkel se trouvait à Meseberg, lundi.

Angela Merkel, qui s’exprimait à Berlin à l’issue d’une rencontre avec des syndicats, a qualifié la nouvelle de «déprimante».

«J’espère que nous pourrons bientôt faire toute la clarté» dans cette affaire, a-t-elle ajouté, soulignant que «les soupçons devaient être désormais vérifiés de façon intensive».

Le suspect interpellé et écroué, identifié comme Stefan E., a été confondu par des traces de son ADN retrouvées sur les vêtements de la victime.

Un passé chargé

Les enquêteurs s’appuient en particulier sur les déclarations publiques et le passé du suspect, un homme lié, au moins à une époque, aux milieux néonazis et déjà condamné pour des faits de violences, notamment contre un foyer de migrants.

Les enquêteurs tentent de déterminer s’il a agi avec des complices, a précisé le parquet, mais pour le moment «il n’y a aucun élément montrant que le suspect ait pu» agir dans le cadre d’un «groupuscule d’extrême droite» formé à cet effet.  Une référence au groupuscule néonazi allemand NSU, responsable du meurtre d’une dizaine d’immigrés en Allemagne au début des années 2000.

Le suspect, père de deux enfants, a été condamné dans le passé pour une tentative d’attaque à l’engin explosif d’un foyer pour migrants en 1993, a révélé lundi Zeit Online.

Membre du parti néonazi NPD en Hesse, la région où l’élu local a été tué, il avait aussi écopé d’une peine de probation de sept mois pour avoir attaqué le 1er mai 2009 à Dortmund, avec quelque 400 militants néonazis, un rassemblement de la Fédération des syndicats allemands.

Il était depuis sorti des radars des services de renseignements, mais serait pourtant lié au groupe néonazi Combat 18 (référence à «AH», les initiales d’Adolf Hitler), affirme la chaîne N-TV.

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Walter Lübcke

Walter Lübcke, un élu local et haut fonctionnaire territorial de 65 ans, a été retrouvé mort le 2 juin sur la terrasse de sa maison à Wolfhagen, dans la banlieue de Kassel. Il avait reçu une balle tirée à bout portant et baignait dans une mare de sang.

«Haine»

Si le mobile politique devait être confirmé, il s’agirait du premier meurtre de cette nature en Allemagne depuis les attentats de la Fraction armée rouge à partir des années 1970. En 1981, ce groupe d’extrême gauche avait tué un ministre régional de l’Économie, membre du parti libéral FDP.

Il s’agirait en outre du premier homicide d’un élu motivé par des idées radicales de droite depuis la Seconde Guerre mondiale. En Grande-Bretagne, une députée travailliste avait été mortellement poignardée en 2016 par un sympathisant d’extrême droite.

Plusieurs partis de gauche ont demandé lundi la tenue d’une session spéciale d’une commission au parlement fédéral sur cette affaire, dans un contexte de progression électorale de l’extrême droite et de ses idées dans le pays.

Membre du parti démocrate-chrétien d’Angela Merkel, M. Lübcke s’était fait remarquer sur la question migratoire en défendant haut et fort, au nom des valeurs chrétiennes, la décision de la chancelière d’ouvrir les portes du pays en 2015 aux demandeurs d’asile.

En octobre de cette année-là, il avait même invité les Allemands ne partageant pas ses valeurs à quitter le pays, ce qui lui avait valu les foudres de l’extrême droite et des menaces de mort.

L’annonce de son assassinat a été de même saluée par des commentaires haineux sur les réseaux sociaux en Allemagne.

Le président de la République, Frank-Walter Steinmeier, avait d’ailleurs pointé la «responsabilité» des plateformes de réseaux sociaux, sur lesquelles est «répandue cette haine».