(Paris) Après le ministre de l’Intérieur dimanche, la porte-parole du parti présidentiel a rouvert lundi le débat sur la question des quotas d’immigration en France, un sujet très sensible dans le pays.

«Il ne faut pas avoir peur des mots, si on commence avant même le débat à se dire : attention, il ne faut pas qu’on utilise tel mot parce qu’on aurait peur de son utilisation, notamment le mot quota, dans ce cas-là, ce débat ne sert à rien», a estimé Aurore Bergé, la porte-parole de LREM, parti du président Emmanuel Macron.

Dimanche déjà, le ministre de l’Intérieur Christophe Castaner avait relancé le débat juste après l’annonce par le premier ministre Édouard Philippe d’un débat annuel sur ce sujet, dont le premier est prévu en septembre.

Le ministère de l’Intérieur avait pris soin de réfuter l’idée d’instaurer des quotas pour les demandeurs d’asile - le droit d’asile étant protégé en France - mais n’excluait pas que la question soit posée pour «d’autres modes d’immigration légale», dans une entrevue au Journal du Dimanche.

«En matière d’asile, les quotas sont contraires à nos engagements internationaux – et à mon éthique personnelle. Toute demande d’asile doit être examinée, ce qui ne veut pas dire acceptée», déclare Christophe Castaner.

«Mais la question des quotas pourra être posée dans le cadre du débat pour d’autres modes d’immigration légale», nuance-t-il ensuite, sans préciser quel type d’immigration pourrait être concerné (familiale, économique, étudiante…).

AFP

Aurore Bergé

Lundi, Aurore Bergé a estimé que, «peut-être que sur l’immigration économique, des quotas pourraient être efficaces pour permettre à ceux qui souhaitent venir en France, de savoir s’ils pourront y être accueillis, s’il y aura un débouché, […] un travail à la clé».

La porte-parole ne souhaite pas en revanche appliquer ce principe à l’immigration familiale. «Je ne sais pas dire que telle mère a le droit de rejoindre ses enfants, que tel père lui n’a pas le droit, parce que tout d’un coup vous avez atteint un quota», a-t-elle expliqué.

En janvier, le président Macron avait évoqué l’idée d’«objectifs annuels» migratoires qui pourraient être fixés par le Parlement. Sans toutefois évoquer le terme de quotas défendus par l’opposition de droite.

Le sujet suscite de vives controverses dans le pays.  

Selon Olivier Faure, le premier secrétaire du parti Socialiste, ces quotas ne pourraient s’appliquer qu’à l’immigration de travail, qui est moins importante que l’immigration familiale et qui est déjà contrôlée. Ils «nourrissent un autre fantasme, qui est d’en finir avec l’immigration tout court, et qui est le fantasme de l’extrême droite», a-t-il ajouté.

«C’est un moyen d’endormir les électeurs», a estimé dimanche Marine Le Pen, la cheffe de l’extrême droite. «Je crois que (l’ancien président) Nicolas Sarkozy nous avait déjà fait ce coup-là pour essayer de faire passer la pilule d’une immigration légale de plus en plus importante», a ironisé la cheffe du Rassemblement national (RN, ex-Front national).

Les associations d’aide aux migrants se sont elles inquiétées lundi de la relance de ce débat par l’exécutif, critiquant «un discours inversement proportionnel à la réalité migratoire» et une posture «purement électoraliste».  

«C’est triste que les migrants fassent les frais de la bagarre politique entre LREM et le Rassemblement national», estime Christophe Deltombe, président de la Cimade (ONG française de défense des droits des migrants et réfugiés), selon lequel «le discours est inversement proportionnel à la réalité migratoire». «C’est un débat purement électoraliste visant à récupérer des voix de la droite et relancer les hystéries», juge-t-il.

Pour Pierre Henry, directeur général de l’association France terre d’asile, «ce n’est pas avec ce débat de posture que le gouvernement va changer le regard des citoyens sur l’immigration». «Il faut agir sur les politiques publiques (françaises) qui produisent la mise à la rue et les campements pour pouvoir changer le réel», a-t-il martelé, tout en appelant à «combattre l’anxiété que provoque la question migratoire».