(Londres) L’audience pour étudier la demande d’extradition du fondateur de WikiLeaks Julian Assange vers les États-Unis, qui l’accusent d’espionnage, aura lieu fin février, a décidé vendredi un juge du tribunal londonien de Westminster.

« Une audience de cinq jours aura lieu en février, probablement à partir du 24 février », a précisé un porte-parole du parquet.

Entre-temps, une audience aura lieu fin octobre pour décider notamment quel tribunal étudiera la demande américaine.

Réfugié pendant près de sept ans à l’ambassade d’Équateur à Londres où il bénéficiait de l’asile politique, M. Assange en a été extrait le 11 avril par la police britannique avec l’aval de Quito. Il a été immédiatement placé en détention puis condamné à une peine de 50 semaines de prison le 1er mai pour violation des conditions de sa liberté provisoire.

Vendredi, l’Australien de 47 ans a comparu par visioconférence depuis la prison de haute sécurité de Belmarsh, dans le sud-est de Londres, et dit craindre de passer le restant de ses jours en prison s’il est extradé vers les États-Unis.

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Julian Assange, le 1er mai dernier.

« 175 ans de ma vie sont en jeu », a-t-il déclaré, en référence au cumul des peines encourues pour les différents chefs d’inculpation qui le visent, et dont il a dénoncé la nature en soulignant que WikiLeaks n’était « rien d’autre qu’un éditeur ».

Une vingtaine de personnes ont manifesté devant le tribunal en brandissant une banderole « Libérez Julian Assange » et une pancarte « Ce ne sont pas des poursuites, mais de la persécution ».

Washington accuse Julian Assange d’espionnage et a formellement requis mardi son extradition.

Les États-Unis lui reprochent d’avoir mis en danger certaines de leurs sources lors de la publication en 2010 par WikiLeaks de 250 000 câbles diplomatiques et d’environ 500 000 documents confidentiels portant sur les activités de l’armée américaine en Irak et en Afghanistan.

Ils l’accusent également d’avoir « comploté » avec l’ex-analyste militaire Chelsea Manning, à l’origine de cette fuite sans précédent.

Julian Assange est soupçonné d’avoir « aidé » et « incité » le soldat Manning « à obtenir des informations confidentielles en sachant qu’elles pouvaient être utilisées au détriment des États-Unis et à l’avantage d’une nation étrangère », a indiqué fin mai le ministère américain de la Justice, en révélant dix-sept nouveaux chefs d’inculpation.

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Chelsea Manning

« Risques d’atteintes aux droits »

La lecture « de l’acte d’accusation est très révélatrice de la nature de toute cette affaire », a estimé mardi le rédacteur en chef de WikiLeaks, Kristinn Hrafnsson, soulignant que la législation anti-espionnage invoquée par la justice américaine était un « cadre juridique archaïque » qui « n’a jamais été utilisé contre un éditeur et un journaliste auparavant ».

Pour lui, cette affaire constitue un « moment décisif pour la préservation du journalisme. Pour la liberté de la presse ».

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Kristinn Hrafnsson

L’avocat Christophe Marchand, membre de l’équipe juridique de Julian Assange, craint que si celui-ci « pose le pied sur le territoire américain, il ne quitte jamais le pays. Il restera en prison toute sa vie parce que c’est une question de vengeance » pour les États-Unis.

Amnistie internationale plaide également pour que les autorités britanniques n’accèdent pas à la demande d’extradition américaine, car Julian Assange « court un risque réel et grave d’atteintes à ses droits s’il y est envoyé ».

« Le Royaume-Uni doit respecter son engagement de ne pas l’envoyer dans des endroits où il pourrait être soumis à la torture, à des mauvais traitements ou à la peine de mort », a déclaré Massimo Moratti, directeur adjoint d’Amnistie internationale pour l’Europe, cité dans un communiqué de l’ONG.

C’est officiellement pour éviter l’extradition aux États-Unis que l’Australien s’était réfugié en 2012 à l’ambassade d’Équateur à Londres, se soustrayant ainsi à une demande d’arrestation de la justice suédoise qui le recherchait pour viol et agression sexuelle présumés de deux Suédoises en août 2010.

En annonçant jeudi avoir certifié la demande d’extradition américaine, le ministre britannique de l’Intérieur Sajid Javid a déclaré que « c’est maintenant aux tribunaux de décider ».  

Il appartiendra toutefois en définitive au ministère de l’Intérieur d’appliquer ou pas la décision de justice.