(Varsovie) La Pologne a annulé une visite de responsables israéliens en raison de leur intention de soulever la question de la restitution de biens juifs tombés en déshérence après l’Holocauste, un dossier considéré comme clos par Varsovie.

«La Pologne a décidé d’annuler la visite de responsables israéliens après que la partie israélienne eut annoncé des changements de dernière minute dans la composition de la délégation, suggérant que les discussions allaient se concentrer principalement sur des questions liées à la restitution de biens» juifs, a expliqué le ministère polonais des Affaires étrangères dans un communiqué.

Selon la même source, la délégation israélienne dirigée par Avi Cohen-Scali, directeur général au sein du ministère pour l’Egalité sociale, était initialement attendue lundi 13 mai à Varsovie.

L’opposition israélienne a fustigé le principe même de négocier avec la Pologne sur la question de la Shoah.

«Si (le premier ministre Benjamin) Nétanyahou et (le chef de la diplomatie israélienne Israel) Katz ne cessent pas […] de négocier sur la Shoah, le monde saura que le souvenir de la Shoah n’est pas sacré pour le gouvernement israélien», a tweeté Yaïr Lapid, numéro deux de la liste «Bleu-blanc», deuxième formation de la Knesset.

Le député travailliste Itzik Shmuli a pour sa part tweeté que «ceux qui sont prêts à négocier avec les Polonais sur le souvenir même de la Shoah, ne doivent pas être ensuite surpris que cela finisse par nous mettre dans une situation honteuse».

L’Organisation juive mondiale de restitution (WJRO) s’est dite de son côté «déçue par le ton et les propos en Pologne sur les restitutions ces dernières semaines». «Nous avons l’espoir d’un renouveau du dialogue avec la Pologne afin que cette injustice historique puisse être réparée», a ajouté un des responsables de l’organisation, Gideon Taylor, dans un communiqué.

Plusieurs milliers de personnes ont manifesté samedi à Varsovie à l’appel de l’extrême droite sous le mot d’ordre «Stop 447» contre la loi américaine portant ce numéro et destinée à appuyer la restitution de biens juifs tombés en déshérence après l’Holocauste.

Le parti conservateur au pouvoir en Pologne ainsi que l’opposition centriste et libérale ont minimisé l’importance de cette loi signée par Donald Trump en mai 2018, soulignant qu’elle n’aurait pas d’impact sur la Pologne.

Mais à l’approche des élections européennes, une alliance ad hoc de partis et groupuscules nationalistes et d’un syndicat paysan a lancé une campagne de propagande à ce sujet.  

Baptisée JUST (Justice for Uncompensated Survivors Today), la loi 447 exige du département d’État qu’il informe le Congrès des progrès réalisés par certains pays, dont la Pologne, dans la restitution de biens juifs confisqués durant la Seconde Guerre mondiale.  

Quelque 3,2 millions de juifs vivaient en Pologne avant la guerre-une communauté vieille de plusieurs centaines d’années, soit environ 10% de la population à l’époque.  

Récemment, des inquiétudes concernant l’antisémitisme en Pologne ont refait surface.  

L’an dernier, une crise a opposé Israël et la Pologne après l’adoption d’une loi polonaise, finalement amendée, perçue en Israël et aux États-Unis comme une tentative implicite d’empêcher les survivants de l’Holocauste d’évoquer les crimes des Polonais à leur égard.

En février, le chef de la diplomatie israélienne, Israel Katz, avait ulcéré Varsovie en évoquant «l’antisémitisme que les Polonais tètent avec le lait de leur mère». La Pologne avait ensuite boycotté en février un sommet prévu à Jérusalem de quatre pays d’Europe de l’Est.

Fin avril, le Congrès juif mondial a condamné un «incident antisémite» après la reprise dans un village polonais d’un rituel pascal abandonné depuis la Seconde Guerre mondiale durant lequel un mannequin représentant Judas est brûlé.