(Paris) « Colère » mais aussi « lassitude » : nombreux dans le cortège syndical du 1er mai, les gilets jaunes n’étaient que quelques milliers dans les rues ce samedi en France pour cette 25e journée de manifestations, qui s’annonce comme leur plus faible mobilisation depuis le début du mouvement en novembre

Ce mouvement inédit, qui manifeste tous les week-ends depuis plus de cinq mois contre la politique sociale et fiscale du gouvernement, s’est étiolé au fil des derniers mois.

Selon un décompte à 14 h du ministère de l’Intérieur, régulièrement contesté par les manifestants, ils étaient quelque 3600 personnes en France, dont un millier à Paris sous un temps orageux.

Samedi dernier, 23 600 manifestants avaient été recensés par les autorités en fin de journée, quand les gilets jaunes revendiquaient de leur côté « 60 132 manifestants minimum ».

PHOTO KAMIL ZIHNIOGLU, ASSOCIATED PRESS

À Paris, trois manifestations déclarées ont été autorisées par la préfecture, dont une prévoyait de faire un tour des sièges des médias, dans l’ouest de la capitale.  

À Bordeaux (sud-ouest), une des places fortes de la mobilisation, José, auxiliaire de vie scolaire de 61 ans, reconnaît que « ça s’essouffle un peu ». « Il y a une lassitude. Ça fait 25 semaines que nous avons momentanément arrêté de vivre pour retrouver au minimum une sorte de dignité ».

Au-delà des rassemblements du samedi, le mouvement social entre en politique : sur les trente-trois listes validées vendredi pour les élections européennes du 26 mai, trois se revendiquent du mouvement des gilets jaunes.

Sans susciter d’engouement dans les rues de Paris, où l’AFP a surtout rencontré des manifestants hostiles à tout engagement partisan. « C’est des opportunistes », estime Louise, professeur des écoles de 35 ans, qui redoute la « récupération politique ». Marc, 59 ans, veut avant tout « faire barrage à Macron », semblant encore indécis sur son vote.

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À Paris, trois manifestations déclarées avaient été autorisées par la préfecture, dont une prévoyait de faire un tour des sièges des médias, dans l’ouest de la capitale.  

Le principal cortège de plusieurs centaines de personnes s’est élancé à la mi-journée de l’hôpital Lariboisière, dans le nord de Paris, en direction de la place de la Nation, plus à l’est.  

En fin de matinée, une vingtaine de gilets jaunes avaient distribué des tracts à l’aéroport parisien Roissy-Charles-de-Gaulle pour protester contre la privatisation de la société Aéroports de Paris. « On est là pour demander l’annulation de cette vente », a expliqué à l’AFP Guillaume, un Parisien de 29 ans.

« Reprendre » les ronds-points

Ces rassemblements ont lieu trois jours après des heurts entre manifestants et forces de l’ordre lors du défilé du 1er mai, marqué par l’intrusion de plusieurs dizaines d’entre eux dans l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière après un mouvement de panique.

Le ministre de l’Intérieur Christophe Castaner, sous le feu des critiques après avoir parlé d’« attaque », a reconnu vendredi qu’il n’aurait pas dû employer ce mot.

La préfecture de police de Paris a reconduit son arrêté d’interdiction de manifester sur les Champs-Élysées et dans un périmètre incluant l’Assemblée nationale, le palais présidentiel de l’Élysée et le secteur de la cathédrale Notre-Dame, gravement endommagée mi-avril par un incendie.

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À Montpellier, ils étaient près d’un millier à manifester, selon la préfecture, brandissant des pancartes « Castaner menteur » ou « Mon pote est interdit de manifester, pas grave je le remplace ». Slogans similaires à Marseille, où plusieurs centaines de personnes ont défilé dans les rues.

Des gilets jaunes ont par ailleurs appelé à « reprendre » les ronds-points à travers le pays, où plusieurs d’entre eux ont longtemps campé. Des « barbecues anti-Macron » devaient se tenir à l’initiative du député de gauche radicale François Ruffin, qui y projettera son film documentaire « J’veux du soleil » sur les gilets jaunes.

Dans une tribune intitulée « Gilets jaunes : Nous ne sommes pas dupes ! », publiée sur le site du quotidien Libération, des comédiennes comme Juliette Binoche ou Emmanuelle Béart, des écrivains comme Édouard Louis ou Annie Ernaux, ainsi que 1400 autres acteurs du monde de la culture ont apporté samedi leur soutien au mouvement.