Il y a six mois à peine, le parti des Vrais Finlandais traînait en cinquième position des sondages en prévision des législatives du 14 avril. Dimanche, ce parti prônant un nationalisme ethnique et fortement opposé à l’immigration s’est finalement classé en deuxième place, moins d’un demi-point de pourcentage derrière les sociaux-démocrates (SDP).

Avec 17,7 % des votes, ces derniers ont enregistré l’un des pires scores de leur histoire. Et l’extrême droite, incarnée par les Vrais Finlandais de Jussi Halla-aho, les talonne de très près, avec 17,5 % des voix.

Ces derniers, jugés infréquentables par les partis majeurs en Finlande, ont toutes les chances d’être confinés à l’opposition. Et la prochaine coalition gouvernementale devrait graviter autour du SDP, qui arrive en tête pour la première fois depuis 20 ans, et d’autres formations, tant à sa gauche qu’à sa droite.

N’empêche : avec ce résultat, l’extrême droite finlandaise vient d’effectuer une percée fulgurante, à la surprise générale.

Il faut savoir que les Vrais Finlandais, qui avaient fait partie de la coalition gouvernementale issue des législatives de 2015, ont pris un virage abrupt vers la droite après une scission brutale survenue deux ans plus tard.

« Aux dernières élections, les Vrais Finlandais formaient un parti de populistes doté d’une frange radicale. Aujourd’hui, c’est carrément un parti de la droite radicale. » — Mikko Kuisma, professeur de science politique à l’Université Tubingen, en Allemagne

Trois facteurs ont contribué à la montée spectaculaire des Vrais Finlandais, selon Mikko Kuisma. L’insatisfaction généralisée à l’égard du gouvernement sortant et de sa politique d’austérité ; la performance « désastreuse » des sociaux-démocrates, dont le peu charismatique leader Antti Rinne a été en congé de maladie pendant une partie de la campagne électorale ; mais surtout, un scandale d’exploitation sexuelle de mineures mettant en cause des suspects d’origine étrangère.

Ce dernier facteur, note le politologue, a marqué un tournant, en janvier, donnant un coup de pouce inespéré à un parti qui milite contre le multiculturalisme et pour « l’immigration 0 ».

Dans un pays qui a accepté à peine quelques dizaines de milliers d’immigrants depuis la vague de réfugiés de 2015, ce thème s’est retrouvé propulsé au cœur de la campagne électorale. Deuxième thème : la lutte contre les changements climatiques, à laquelle les Vrais Finlandais voudraient mettre un frein.

Polarisation sans précédent

En plus de cette performance inattendue d’un parti radicalisé, qui tient un peu de la Ligue italienne de Matteo Salvini ou encore de l’ancien Front national de Marine Le Pen, le scrutin de dimanche est révélateur d’une fragmentation politique et d’une polarisation sans précédent. Et qui ne sont pas uniques à la Finlande.

« C’est la première fois dans l’histoire de la Finlande qu’aucun parti ne réussit à franchir le cap des 20 % de votes. » — Sini Korpinen, commentatrice finlandaise

Les fissures apparaissent à l’intérieur même des partis, sur les thèmes centraux de l’immigration et des changements climatiques, selon Sini Korpinen.

L’analyste fait remarquer que le succès des Vrais Finlandais a déjà commencé à contaminer les autres partis, qui adaptent leurs discours pour attirer les électeurs de droite.

Comme ailleurs dans le monde, les partis centristes finlandais ont perdu beaucoup de plumes, au profit des extrêmes, dit Sini Korpinen.

La journaliste Riika Suominem souligne que les élections législatives finlandaises sont typiques de ce qu’on voit ailleurs en Europe : « Les partis de centre perdent pied, tandis que l’extrême droite et la gauche gagnent des sièges. »

En misant sur la carte antimigrants, les Vrais Finlandais « jouent à fond la partition de Donald Trump », fait valoir Sini Korpinen. Une musique qui risque aussi de se faire entendre lors des élections européennes de mai.