(Paris) «On est en train de perdre Notre-Dame !». Il est près de 14h, la flèche de Notre-Dame de Paris s’effondre et un cri d’horreur s’élève de la foule massée le long des quais de Seine qui assiste, pétrifiée, à la disparition d’une partie de la mythique cathédrale, engloutie par les flammes.

«Quand je pense qu’on est passés devant il y a une heure. On a fait des photos, il y avait encore la tour», soupire Stéphane, touriste de 46 ans venu de Grenoble.

«C’est triste, c’est plus que triste. C’est un bâtiment qui a résisté à tellement de choses, des guerres… C’est une partie du patrimoine qui disparaît», se lamente-t-il, face au violent incendie qui s’est déclaré aux alentours de 13h00 pour des raisons encore inconnues.

«C’est dramatique. On est en train de perdre Notre-Dame», raconte un jeune homme à son interlocuteur au téléphone. «On n’a pas des Canadair?», lance un autre. «J’espère que c’est pas un attentat», lâche une dame, inquiète.

Sur l’esplanade de l’Hôtel de Ville tout proche, sur les bateaux-mouche, tout le long des quais de Seine, Parisiens et touristes du monde entier ont arrêté leur course, médusés par l’épais panache jaunâtre et les flammes qui grignotent à toute vitesse la toiture du mythique édifice. Les flammes progressent à vue d’œil.

«Notre-Dame est en feu?!», interroge en anglais une touriste japonaise, comme pour se convaincre de ce qui se passe sous ses yeux. «Notre-Dame est un symbole dans le monde entier. C’est terrible», confie Jane, une Britannique originaire de Londres.

Beaucoup filment ou font des photos avec leur téléphone, certains sont trop choqués pour le faire. D’autres s’étreignent ou essuient une larme.

«La physionomie de Paris va changer, c’est terrible», dit Marie, retraitée parisienne qui vit à quelques rues de la Seine.

«Je ne verrai jamais Notre-Dame»

AFP

La flèche de Notre-Dame de Paris au moment de son effondrement.

Célien Palcy est tremblant. Cet étudiant en histoire de l’art à l’école du Louvre à Paris est venu dès qu’il a entendu la nouvelle.

«Ca fait mal», glisse-t-il, des sanglots dans la voix. «On ne la récupèrera pas. Il n’y a plus grand-chose à faire», ajoute-t-il, sans décoller ses yeux des flammes qui progressent vers les deux célèbres tours.  

La flèche était l’objet de travaux de restauration. «Les feux d’échafaudage, c’est ce qu’on craint le plus dans ces cas-là. C’est un risque connu. Je pense que c’est là que ça s’est passé», explique le jeune homme de 25 ans.

Les sirènes des camions de police et de pompiers résonnent de manière ininterrompue. L’île de la Cité a été évacuée et est bouclée par militaires et policiers. «A cause des retombées de cendres», explique laconiquement un policier.  

«On est passé, il y avait une fumée grise, l’odeur était bizarre. On nous a évacués au bout de la rue, puis au bout du pont. C’est incroyable», témoigne Stéphane, le touriste originaire de Grenoble.

«On était en poste vers Châtelet (à proximité), on a vu un peu de fumée au loin, on s’est dit que c’était de la poussière à cause des travaux», glisse un policier qui boucle le périmètre.

«Je ne verrai jamais Notre-Dame», se désole William, touriste américain venu avec sa femme visiter la capitale française. «On devait la visiter demain. Quelle tristesse. C’est un emblème de la France, tout le monde connaît Notre-Dame, Quasimodo… La France a perdu un de ses joyaux, elle a perdu un peu de son histoire. Comment cela a-t-il pu arriver?».

Les catholiques pleurent un « symbole vivant » de leur foi

Avec l’incendie qui a défiguré Notre-Dame de Paris, les catholiques de France pleurent une de leurs plus belles cathédrales, à la fois « symbole vivant » de leur foi, lieu de « réconciliation » avec les autres cultes et les non-croyants et un morceau de l’histoire de France.

Alors que les flammes faisaient toujours rage, le Vatican a exprimé son « incrédulité » et sa « tristesse » lundi soir, se désolant pour ce « symbole de la chrétienté, en France et dans le monde ».

« Ca va être une grande perte, une grande blessure », a déclaré Eric de Moulins-Beaufort, le président récemment élu de la Conférence des évêques de France (CEF), sur son compte twitter. La cathédrale « fait partie des symboles de ces efforts de paix, de beauté, d’espérance, de foi et même au-delà de la foi chrétienne », a-t-il dit.  

Selon lui « des années de travaux » vont être nécessaires pour la reconstruire.

« C’est le lieu symbolique de catholiques non seulement à Paris mais pour beaucoup de catholiques dans le monde », a renchéri Vincent Neymon, porte-parole de la CEF, auprès de l’AFP. A quelques jours du week-end pascal, en pleine Semaine Sainte, c’est « un symbole de l’histoire et un haut-lieu de la foi catholique qui est en train de brûler ».

Il a rappelé qu’à « l’intérieur, il y a des tableaux, des statues, du mobilier liturgique précieux qui sont chers au cœur des catholiques ». « Il y a aussi le trésor. Un lieu dans lequel il y a des choses précieuses vénérées, dont les épines de la couronne du Christ ». Cette dernière et la tunique de Saint-Louis, ont été « sauvés », selon Mgr Patrick Chauvet, recteur de la cathédrale.  

L’archevêque de Paris Mgr Aupetit, se désolant de voir « la charpente, la toiture et la flèche […] consumés », a de son côté appelé à sonner les cloches des églises.

Lundi soir, parmi les Parisiens sidérés à la vue du bâtiment en flammes, des gens étaient agenouillés sur le trottoir, priant et récitant des « Je vous salue Marie ».

Au-delà de sa dimension spirituelle, Notre-Dame a « une dimension symbolique très forte, historique et culturelle très forte qui touche tous les Français », a souligné Stanislas Lalanne, l’évêque de Pontoise, pour qui l’émotion va bien au-delà des seuls chrétiens.

Lieu unique

« Ca dépasse de loin les catholiques, Notre-Dame, c’est l’histoire de France », résume pour l’AFP Jean-Louis Schlegel, sociologue des religions. « C’est là que le général De Gaulle a célébré la Libération de Paris, c’est là que Napoléon s’est fait sacré. Il y a eu des messes pour la mort des présidents Charles de Gaulle, Georges Pompidou, et même François Mitterrand », a-t-il rappelé. Lors des obsèques de ce dernier, les images des larmes du chancelier allemand Helmut Kohl avaient marqué.

« Tous les chefs d’État qui viennent à Paris pour la première fois visitent la cathédrale », monument le plus visité en Europe, a-t-il aussi souligné.

« Ces dernières années, pour les événements tragiques, les attentats ou les grandes tragédies, il y a eu des messes à Notre-Dame, qui semble un lieu de réconciliation pour les catholiques, mais aussi les autres cultes et les non croyants. On peut s’y retrouver », a-t-il ajouté. « Croyants et incroyants, peuvent se retrouver aux moments importants de l’histoire de notre pays », a renchéri la Conférence des évêques.

« Dans cette cathédrale, il s’est passé tellement d’événements pour l’Histoire de France », affirme de son côté à l’AFP Olivier Bobineau, également sociologue des religions. C’est un « lieu unique dans l’histoire du monde ; Notre-Dame incarne le patrimoine, la culture, la sagesse, la philosophie…, et la République française ne peut pas faire sans cette histoire ».  

« C’est le symbole de l’histoire de France dans son excellence », a-t-il dit.

La Fondation du patrimoine, qui défend la protection des monuments historique, a annoncé qu’elle lancerait dès  mardi une « collecte nationale » pour la reconstruction de ce joyau de l’architecture.