Cinq résidents d'une maison de retraite dans le sud-ouest de la France sont mortes après une probable intoxication alimentaire, un drame qui place de nouveau sous les projecteurs les établissements pour personnes âgées, au coeur d'une réflexion gouvernementale sur la dépendance.

Les personnes décédées, résidents à La Chêneraie, un établissement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) situé à Lherm, près de Toulouse, sont quatre femmes de 72 à 95 ans, et un homme de 93 ans, selon les autorités.  

Lundi après-midi, 19 autres personnes restaient sous surveillance médicale «dont 16 en urgence relative sans que le pronostic vital de l'une d'elles ne soit engagé», a annoncé le procureur de Toulouse, Dominique Alzeari.  

Le parquet a ouvert une enquête des chefs «d'homicides involontaires et blessures involontaires».  Mais les recherches s'annoncent longues, «la gravité de cet événement» appelant «des mesures d'investigations complexes», a prévenu M. Alzeari.  

L'enquête doit notamment déterminer si les repas étaient préparés en interne ou apportés de l'extérieur.

L'établissement, qui fait partie du Groupe Oméga repris par le groupe Korian le 18 février, «produit les repas sur place avec ses propres équipes de cuisine», a assuré Korian, numéro un européen des maisons de retraite.

«Inadmissible»

Mais Alain Lapeyre, fils d'une nonagénaire décédée, a affirmé à la presse que le dîner incriminé avait été livré de l'extérieur, précisant tenir l'information du médecin traitant de l'établissement.   

Le problème est survenu «apparemment sur des repas spéciaux, des repas mixés pour personnes en fin de vie», a pour sa part affirmé Chantal, fille d'un couple résident indemne.  

«Je suis très en colère, c'est inadmissible», a lancé M. Lapeyre à la presse, relevant que la famille payait «pas loin de 3000 euros par mois» pour la prise en charge de leur mère, accueillie depuis 10 ans et souffrant d'Alzheimer.  

Dans la matinée, l'émotion et l'état de choc prévalaient parmi les résidents indemnes, selon plusieurs parents. «Mon père était très choqué, il s'est écroulé quand il m'a vu, il pleurait», a raconté Marie, affirmant qu'il avait appris la nouvelle «par la télé, dans sa chambre».   

Dans le cadre de l'enquête, menée en coordination avec l'Agence régionale de santé (ARS) «des prélèvements à visée d'analyse toxicologique et biologique ont été réalisés», tandis que «l'autopsie des victimes sera pratiquée dans les prochaines heures» a précisé le procureur.  

«La restauration en EHPAD est un des systèmes de restauration les plus techniques et difficiles, mais dans lequel malheureusement le risque zéro n'existe pas», a relevé André Belloc, président de Restau'Co, un réseau interprofessionnel de restauration collective.  

Ouverte en 2006, La Chêneraie hébergeait 82 résidents, dont 17 personnes accueillies en unité protégée (souffrant de la maladie d'Alzheimer ou de maladies apparentées), selon l'ARS.

À la Bourse de Paris, le titre Korian était en forte baisse lundi.

Loi sur la dépendance

Ce drame survient alors qu'une grande réflexion sur la dépendance et l'accueil des personnes âgées est en cours en France, et le gouvernement a promis «une grande loi» sur ce sujet à l'automne prochain.

Les établissements pour personnes âgées sont régulièrement sur la sellette : manque de personnel, conditions de vie en maison, cas de maltraitance... Récemment, un aide-soignant d'une maison en région parisienne a été condamné à cinq ans de prison pour violences contre une vieille dame.

Parmi les priorités gouvernementales figurent la qualité de la prise en charge et la revalorisation des métiers du grand âge, ainsi que la création de 80 000 postes supplémentaires en EHPAD, soit plus 25%, d'ici à 2024.

Le nombre de personnes dépendantes en France devrait doubler, à 2,23 millions, en 2050.

La proportion de personnes accueillies en maisons de retraite, 21% des plus de 85 ans en France, est un des taux les plus élevés d'Europe.