L'Union européenne est prête à accorder au Royaume-Uni un court report du Brexit à condition que les députés votent l'accord de divorce négocié avec Theresa May, a annoncé mercredi le président du Conseil européen, Donald Tusk.

« Je crois qu'une courte extension sera possible, mais elle sera conditionnée à un vote positif sur le traité de retrait à la Chambre des communes », a dit M. Tusk devant la presse, réagissant à la requête de la cheffe du gouvernement britannique.

À neuf jours de la date prévue du Brexit, et alors qu'elle a échoué à faire adopter par la Chambre des communes le Traité de retrait conclu fin novembre avec Bruxelles, Mme May a écrit à M. Tusk pour lui demander une extension « jusqu'au 30 juin » de l'article 50 du Traité de Lisbonne, qui régit la sortie d'un pays de l'UE.

« Ce report est un grand regret personnel pour moi »,  a déclaré Theresa May lors d'une courte allocution mercredi soir à Downing Street, après s'être entretenue avec des membres de l'opposition.  

Déclarant que les Britanniques en avaient assez et qu'elle restait « déterminée » à mener à bien le Brexit, elle a estimé qu'il était « maintenant temps pour les députés de se décider ». « J'espère passionnément que les députés soutiendront l'accord que j'ai négocié avec l'UE », a-t-elle dit.

En faisant adopter l'accord de retrait, l'objectif de la dirigeante conservatrice est d'éviter à son pays une sortie brutale, sans accord et sans transition, de l'UE, 46 ans après son adhésion.

Mais sa demande de délai doit être acceptée à l'unanimité des 27 autres États membres de l'UE, réunis en sommet à Bruxelles jeudi et vendredi, et validée par les deux chambres du Parlement britannique avant le 29 mars,  date théorique de la sortie.

La France a déjà averti qu'elle s'opposerait à ce report s'il n'était pas justifié par une stratégie « crédible ».

Le risque demeure donc d'un divorce brutal entre Londres et l'UE, un scénario aux conséquences économiques redoutées d'un côté comme de l'autre.

« Frêle » espoir

« Même si l'espoir d'un succès final peut paraître frêle, voire illusoire, et bien qu'une fatigue du Brexit soit de plus en plus visible et justifiée, nous ne pouvons renoncer à rechercher jusqu'au tout dernier moment une solution positive », a déclaré M. Tusk.

Le traité de retrait de l'UE a été massivement rejeté à deux reprises par les députés britanniques. Mais Theresa May souhaite « présenter une nouvelle fois à la Chambre » ce texte « aussi vite que possible ».

Pour être soumis au vote des députés, l'accord devra cependant être « substantiellement » différent, a prévenu le président de la Chambre des communes, John Bercow.

En obtenant ensuite un report du Brexit au 30 juin, Theresa May compte éviter au Royaume-Uni de participer aux élections européennes fin mai, une perspective qu'elle a considéré « inacceptable », 1000 jours après le référendum de juin 2016 qui a décidé du Brexit.

« En tant que première ministre, je ne suis pas disposée à repousser le Brexit au-delà du 30 juin », a-t-elle déclaré.

Pour quelle durée ?

Mais cette date est jugée trop tardive par plusieurs États membres et fait peser de « graves risques politiques et juridiques » pour l'UE, selon la Commission européenne.

« La question reste ouverte quant à la durée » du report, a souligné Donald Tusk.

Si les dirigeants des 27 « approuvent mes recommandations et qu'il y a un vote positif à la Chambre des communes la semaine prochaine, nous pouvons finaliser et formaliser la décision sur l'extension dans une procédure écrite » ultérieurement, a dit M. Tusk, sans exclure toutefois la nécessité d'un nouveau sommet « la semaine prochaine ».

Plus tôt dans la journée, le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, avait estimé qu'il n'y aurait « pas de décision cette semaine lors du Conseil européen ».

Le délai réclamé par Mme May a fait bondir dans les rangs de la majorité comme de l'opposition.

Le leader de l'opposition travailliste, Jeremy Corbyn, partisan d'un report plus long, a fustigé « l'incompétence, les échecs et l'intransigeance de la première ministre et de son gouvernement ».

Le député conservateur europhile Dominic Grieve est allé jusqu'à affirmer : « Je n'ai jamais été aussi honteux d'être membre du Parti conservateur », face à Theresa May qui rejetait sur les députés la responsabilité du manque de décision sur le Brexit.