Les gilets jaunes ont défilé en rangs clairsemés pour leur 16e samedi de manifestations, émaillé de quelques heurts en régions, espérant une mobilisation massive en mars pour marquer la fin du « Grand débat national » qu'ils contestent et les quatre mois de leur mouvement social.

Au total, le ministère de l'Intérieur a comptabilisé 39 300 manifestants en France, dont 4000 à Paris, un chiffre en repli par rapport à la semaine dernière, quand 46 600 personnes avaient été recensées, dont 5800 dans la capitale. Ces chiffres officiels sont régulièrement remis en cause par les gilets jaunes.

À Paris, le cortège parti de l'Arc de Triomphe était pour la première fois encadré par des gilets jaunes faisant la sécurité à moto. S'il s'est déroulé sans incident, un homme a été blessé au visage en marge du rassemblement, « probablement » par un tir de lanceur de balle de défense (LBD), selon des sources concordantes.

Cette arme est l'objet de vives controverses en France pour le nombre de blessés graves qu'elle a provoqués depuis le début du mouvement social le 17 novembre.

À Nantes (au moins 1800 manifestants), Toulouse (quelques milliers) et Bordeaux (4000), les défilés ont été émaillés de heurts avec les forces de l'ordre, qui ont interpellé une quinzaine de personnes dans chacune de ces villes. Dans la capitale, les autorités ont procédé à 33 interpellations.  

Ces échauffourées et le nombre des interpellations sont néanmoins sans commune mesure avec ceux que la France a connus dans les premiers actes de cette fronde populaire inédite.

Ils étaient plus de 2000 à Lyon ; entre 1000 et 2000 à Lille, certains arrivés de Belgique. Plusieurs centaines ont été recensés à Marseille, un millier à Montpellier.  

« On est moins nombreux que d'habitude, mais on est là quand même et c'est l'essentiel, on ne lâchera pas parce que la situation ne va pas s'améliorer, on en est sûr », résumait Murielle, une retraitée de la région parisienne.

De nombreux manifestants interrogés par l'AFP ont dit placer leurs espoirs dans la mobilisation du 16 mars, présentée par les figures historiques du mouvement comme une journée clé. Partie d'un ras-le-bol contre la hausse des taxes et pour davantage de pouvoir d'achat, le mouvement s'est étendu à des revendications hétéroclites.  

« De l'enfumage »

« 16 mars, l'Aquitaine envahit Paris, ultimatum saison 2 », proclamait ainsi une grande banderole accrochée sur un échafaudage à Bordeaux, où certains gilets jaunes ont brièvement envahi la gare.  

Cette date coïncide avec la fin du « Grand débat national » mis sur les rails le 15 janvier par Emmanuel Macron, qui avait estimé vendredi que le mouvement n'était « plus compréhensible par bon nombre de citoyens ».  Elle marque aussi les quatre mois de la fronde.

La consultation nationale sans précédent de deux mois, pour tenter de répondre à la colère en recueillant les doléances des Français, a suscité 10 000 réunions et plus d'un million de contributions sur l'internet : une masse énorme de données qu'il faudra analyser avant que l'exécutif ne prenne ses décisions.

« Leur grand débat, c'est de l'enfumage pour fadas », estime Marco, 27 ans, qui a manifesté à Alès (sud) où des heurts ont éclaté à la fin de la manifestation. Entre 600 et 1500 personnes y ont battu le pavé derrière de grandes banderoles proclamant « Demain nous appartient », « Bloquons l'économie. Marre de survivre, on veut vivre » ou encore « Justice sociale ».

L'un des participants à Toulouse, Olivier Barba, s'est dit déterminé à « maintenir la pression jusqu'à la fin du grand débat [...] pour que le gouvernement nous fasse le moins de mal possible ».

« Le mouvement ne s'arrêtera pas tant que le gouvernement ne cédera pas », affirme quant à elle Karine, une assistante maternelle dans la banlieue bordelaise.

L'une des images de la journée restera celle de gilets jaunes à Colmar (Alsace, nord-est) qui ont enfilé une veste fluo géante sur la réplique de la statue de la Liberté.