Les pays européens concernés ont réagi avec tiédeur lundi à l'appel de Donald Trump leur demandant de rapatrier leurs ressortissants partis combattre aux côtés du groupe État islamique (EI) en Syrie afin de les juger.

Le sujet a été évoqué lundi par les ministres des Affaires étrangères de l'Union européenne à Bruxelles, alors que l'EI est sur le point d'être vaincu dans son dernier réduit en Syrie par l'alliance arabo-kurde des Forces démocratiques syriennes (FDS).

« Il n'y aura pas de décision au niveau de l'Union européenne. Elle relève de la compétence de chaque gouvernement », a prévenu la cheffe de la diplomatie européenne Federica Mogherini à l'issue de la réunion.

« Mais nous pouvons avoir une réflexion commune pour apporter une réponse coordonnée », a-t-elle souligné.  

Pour la Belgique, la France et le Royaume-Uni, les combattants étrangers devraient être traduits en justice là où les crimes ont été commis, « conformément à la procédure légale adéquate dans la juridiction la plus appropriée », selon un porte-parole de la première ministre Theresa May.  

Ainsi, le premier ministre belge Charles Michel souhaite que les djihadistes étrangers détenus en Syrie soient jugés « au maximum » dans la région où ils ont sévi, selon des propos rapportés par l'agence Belga.

Justice internationale ?

Charles Michel, qui s'exprimait à Bruxelles à l'issue d'une rencontre avec une délégation du Congrès américain, a évoqué la possibilité de créer une juridiction internationale spécifique, sans en définir clairement les contours. « Je suis délibérément prudent (à propos d'une telle juridiction), je veux rendre possible une forme de justice internationale », a-t-il expliqué.

Le ministre belge des Affaires étrangères Didier Reynders a rappelé quant à lui que son pays avait décidé de faire revenir les enfants de moins de 10 ans « dès que ça sera possible en fonction des conditions, et puis d'examiner tous les autres cas, dossier par dossier ».

La France, elle, se montre particulièrement réticente : « Nous nous sommes préparés au cas où quelque chose adviendrait de nouveau, mais à ce stade la France ne répond pas à ces injonctions et garde sa politique au cas par cas », a noté la ministre de la Justice Nicole Belloublet.

Une source proche du dossier a évoqué le cas de 150 Français, dont 90 mineurs.

Berlin voudrait bien répondre favorablement au président américain, mais estime qu'à ce stade une telle opération serait « extrêmement difficile », selon son ministre des Affaires étrangères Heiko Maas.

« Nous n'avons en Syrie aucun gouvernement sur lequel nous appuyer, (le président syrien Bachar al-) Assad ne peut pas être notre partenaire, les Forces démocratiques syriennes (FDS, alliance rebelle arabo-kurde, NDLR) ne sont pas un gouvernement », a pointé la ministre de la Défense, Ursula von der Leyen.

Le chef de la diplomatie allemande a mis également en avant un manque d'informations en provenance de Syrie permettant de garantir des poursuites judiciaires en Allemagne.

Berlin veut « se concerter avec la France et la Grande-Bretagne [...] sur la façon de procéder », a-t-il encore précisé dimanche.

Camps de déplacés

L'aspect « pratique » de tels rapatriements est également mis en avant par l'Autriche, qui compterait une trentaine de combattants en Syrie, selon les services autrichiens de renseignement.

La Suède, en retard sur le plan pénal, se montre aussi très rétive. Le fait de partir rejoindre une organisation terroriste ne tombe sous le coup de la loi que depuis 2016, soit avant les grands départs de 2014 et 2015, et le crime consistant à appartenir à une organisation terroriste ne doit être créé que cette année.

Sans voies de poursuite, la Suède ne souhaite donc pas voir revenir une centaine de combattants qu'elle ne pourrait juger.

« Les Suédois de l'EI qui ont commis des crimes doivent en priorité être jugés dans les pays où ils se trouvent », a prévenu lundi le ministre de l'Intérieur Mikael Damberg.

Le président américain Donald Trump a exhorté dimanche les Européens à reprendre leurs centaines de ressortissants détenus en Syrie après avoir rejoint les rangs de l'EI, afin de les traduire en justice.

L'administration semi-autonome kurde pour sa part refuse de juger les étrangers et veut les renvoyer vers leurs pays d'origine.  

Pour l'heure, s'agissant des étrangers, les hommes qui sont arrêtés sont emprisonnés, les femmes et les enfants retenus dans des camps de déplacés.