Le démantèlement du pont dont l'écroulement avait fait 43 morts à Gênes en août a commencé très prudemment vendredi avec les opérations pour démonter un premier segment de près de 40 mètres qui devrait toucher terre samedi.

Des milliers de tonnes d'acier, de béton et d'asphalte ont déjà été retirées de la zone où ce viaduc autoroutier s'était en partie effondré, entraînant dans sa chute véhicules et passagers, locaux comme étrangers, travailleurs ou sur la route des vacances, parmi lesquels quatre enfants.

« C'est un jour important, le premier pas sur un chemin dont nous espérons qu'il sera le plus rapide possible », a déclaré le chef du gouvernement italien, Giuseppe Conte, un casque de pompier sur la tête.

Quatre puissants vérins positionnés sur le pont grâce à une énorme grue doivent permettre de séparer une portion de la route de 36 mètres de long et 18 mètres de large et de la déposer doucement à terre, 48 mètres plus bas.

Cette opération délicate devait commencer vendredi matin et durer environ 8 heures, mais elle a pris du retard et pourrait devoir se poursuivre dans la nuit et la journée de samedi.  

« Nous déplaçons quelque chose comme 1000 tonnes d'une structure qui est en cours de démolition, avec beaucoup d'inconnues », a expliqué le directeur technique du chantier, Vittorio Omini, précisant qu'une soixantaine de personnes s'activaient jour et nuit sur le chantier pour respecter les délais.

Une fois au sol, le tronçon géant sera utilisé comme contrepoids pour les opérations de démontage des autres portions de route, avant une destruction des piliers à la dynamite.

Le démantèlement complet du pont devrait durer au moins six mois, a prévenu le secrétaire d'État aux Transports, Edoardo Rixi. L'opération est d'autant plus délicate que ce pont suspendu chevauche en partie des habitations - les immeubles sous le pont sont cependant condamnés - et une voie ferrée.  

Les vérins chargés de sécuriser la descente sont les mêmes que ceux utilisés pour redresser l'épave du Costa Concordia, le paquebot qui s'était échoué en 2012 tout près de l'île du Giglio en Toscane. Ce naufrage avait fait 32 morts.  

« Pont Piano »

L'opération de vendredi, encore symbolique eu égard à la taille de ce viaduc long de plus d'un kilomètre, permettra à la ville portuaire de Gênes d'entrevoir la perspective d'un retour à la normale.

Le pont Morandi, baptisé ainsi du nom de l'architecte qui l'a conçu dans les années 60, est un des principaux axes de circulation à Gênes, grand port du nord-ouest de l'Italie.

C'est un autre architecte italien, Renzo Piano, natif de Gênes, qui aura la charge de reconstruire le viaduc. Résolument différent du pont Morandi, le « pont Piano », en acier et béton, aura « quelque chose d'un bateau, parce que c'est quelque chose de Gênes », avait expliqué son concepteur en décembre.

Il comptera 43 lampadaires, en mémoire des 43 personnes qui ont péri dans l'accident. La construction du pont, d'un coût estimé à 202 millions d'euros, sera menée par un groupement d'entreprises comprenant Sailini-Impregilo, Fincantieri et ItalFerr.

Renzo Piano, 82 ans, auteur entre autres du Centre Pompidou et du nouveau palais de justice à Paris et de la tour The Shard à Londres, a accepté de s'occuper de ce projet gratuitement, « comme une forme de donation à la ville de Gênes ».

Ce nouveau viaduc devrait être ouvert à la circulation en avril 2020, a promis M. Rixi, soulignant que de fortes pénalités étaient prévues par contrat en cas de dépassement des délais.

L'ancien pont, fait de béton et de câbles d'acier eux-mêmes recouverts de béton, avait été inauguré en 1967. L'une des explications avancées par les enquêteurs réside précisément dans cette couverture de béton qui aurait pu masquer la corrosion de l'acier des câbles.

La partie est du viaduc, où se trouve la portion effondrée, est toujours sous l'oeil des experts, qui cherchent à comprendre les raisons du soudain effondrement et à déterminer les éventuelles responsabilités.

L'enquête judiciaire vise en particulier des responsables du concessionnaire de l'autoroute, la société Autostrade per l'Italia (ASPI), filiale du groupe Benetton, à laquelle plusieurs ministres avaient promis de retirer la concession et de faire payer toute la reconstruction.