La première ministre britannique Theresa May a survécu de justesse mercredi à une motion de censure, un répit après le massif rejet la veille par les députés de l'accord négocié avec l'UE, même si sa mission la plus difficile reste à accomplir : sauver le Brexit.

Les députés ont rejeté la motion de censure par 325 voix contre 306, soit une marge de seulement 19 voix. Il s'agissait de la première motion de censure déposée contre un gouvernement britannique depuis 26 ans.

Déterminée à «poursuivre le travail» et mettre en oeuvre le résultat du référendum de juin 2016, lors duquel les Britanniques avaient voté à 52% pour quitter l'Union européenne, la première ministre a entamé mercredi soir une série de discussions avec l'opposition dans un «esprit constructif».

Elle a rencontré plusieurs dirigeants à l'exception notable du leader du Labour, principal parti d'opposition, Jeremy Corbyn. Celui-ci a décliné l'invitation tant que le gouvernement n'exclut pas l'éventualité «catastrophique» d'une sortie de l'UE sans accord.

«Il est maintenant temps de mettre nos intérêts personnels de côté», a déclaré Theresa May dans la soirée devant Downing Street, après avoir rencontré le leader des libéraux démocrates, le chef des nationalistes écossais du SNP au Parlement et celui du parti nationaliste gallois Plaid Cymru.

«Déçue» que Jeremy Corbyn ait refusé le dialogue, elle a précisé que sa porte restait «ouverte». Les discussions se poursuivront jeudi.

Theresa May va toutefois devoir montrer patte blanche si elle veut aboutir à un compromis.

«Ces discussions transpartisanes ne peuvent pas porter sur des changements cosmétiques à son accord, qui a déjà été rejeté. Nous devons discuter de vraies alternatives et un deuxième référendum doit être sur la table», a tweeté le chef des nationalistes écossais du SNP au Parlement, Ian Blackford, après sa rencontre avec la cheffe du gouvernement.

Le SNP, comme le parti libéral démocrate, le parti nationaliste gallois Plaid Cymru et les Verts plaident pour un second référendum, pressant le chef de l'opposition travailliste Jeremy Corbyn de soutenir pleinement cette option.

M. Corbyn avait lui privilégié le scénario de législatives anticipées, tout en gardant «toutes les options ouvertes», dont une nouvelle consultation populaire.

Soutien des Brexiters

Ses espoirs ne se sont pas concrétisés et la centaine de députés du camp conservateur de Theresa May qui avaient voté contre l'accord de Brexit mardi, contribuant à son humiliante défaite, ont cette fois serré les rangs derrière leur cheffe.

Et son allié, le petit parti unioniste nord-irlandais DUP (dix députés), qui lui assure la majorité absolue au Parlement, ne l'a pas lâchée. Mais elle doit maintenant «tirer les leçons» du rejet de son texte au Parlement, a prévenu le député du DUP Nigel Dodds.

Le DUP veut voir disparaître le «filet de sécurité» («backstop» en anglais) prévu dans l'accord de retrait, qu'il accuse de menacer l'intégrité politique et économique du Royaume-Uni.

Cette option de dernier recours prévoit la mise en place d'une union douanière entre le Royaume-Uni et l'UE pour éviter le rétablissement d'une frontière physique entre l'Irlande et la province britannique d'Irlande du Nord, si aucune autre solution n'est trouvée à l'issue de la période de transition, prévue pour durer jusqu'à fin 2020. De nombreux députés britanniques craignent que cela n'arrime leur pays à l'UE indéfiniment.

Plan B

Face à une situation qui semble inextricable, Mme May a jusqu'à lundi pour proposer un «plan B». Elle pourrait tenter de retourner négocier avec les dirigeants de l'UE, mais ceux-ci ont jusqu'à présent répété que l'accord conclu en novembre après 17 mois de difficiles négociations était le seul sur la table.

Pour progresser dans les discussions, Theresa May pourrait être contrainte de revenir sur les «lignes rouges» qu'elle a elle même tracées. Elle avait notamment exclu de respecter les conditions d'accès au marché unique européen, qui incluent notamment la libre circulation des personnes, et elle avait exigé de retrouver une liberté commerciale totale.

Elle pourrait aussi demander un report de la date de sortie du Royaume-Uni de l'UE, fixée au 29 mars 2019, ce qu'elle a exclu jusqu'ici.

Il y a «encore le temps de négocier», a estimé la chancelière allemande Angela Merkel, appelant Theresa May à faire des propositions.

Les milieux économiques de la cinquième puissance économique mondiale s'inquiètent de leur côté du risque d'une sortie de l'UE sans accord et sans période de transition pour amortir le choc.

Pour le négociateur en chef des Européens, Michel Barnier, «jamais le risque d'un no deal n'a paru aussi élevé».