(Paris) Des centaines de milliers de manifestants ont défilé en France mardi contre le projet de réforme des retraites, décidés à faire plier le gouvernement qui se dit « déterminé » malgré déjà 13 jours de grève des transports.

Les manifestants étaient 615 000 à travers le pays selon les autorités, le syndicat CGT avançant pour sa part le chiffre de 1,8 million.

Les syndicats à l’origine de la mobilisation contre cette réforme (CGT, FO, FSU et Solidaires), qui réclament le retrait pur et simple du projet, ont lancé un « ultimatum » au gouvernement à l’issue d’une intersyndicale mardi soir, en décidant de nouvelles actions locales jeudi et jusqu’à la fin décembre, sans trêve de Noël, et en promettant « des suites » si le gouvernement ne répond pas « dans les heures qui viennent ».

La journée de mobilisation de mardi a été « un franc succès », a estimé dans le cortège à Paris Philippe Martinez, leader de la CGT.  

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La section de la CGT au sein du gestionnaire du réseau électrique à haute tension RTE a par ailleurs revendiqué mardi des coupures d’électricité volontaires qui ont laissé des dizaines de milliers de foyers sans courant à travers la France.

Pour la première fois depuis le début du mouvement, qui s’accompagne d’une grève illimitée qui paralyse les transports publics depuis 13 jours, les manifestants ont défilé à l’appel de l’ensemble des syndicats, jusqu’aux plus réformateurs comme la CFDT, avec laquelle le président Emmanuel Macron pouvait espérer faire adopter cette réforme visant à fusionner les 42 régimes de retraite existants dans un système à points.

« Une ligne rouge »

Le 5 décembre, au premier jour de cette mobilisation, le ministère de l’Intérieur avait dénombré 806 000 manifestants, et la CGT en avait annoncé 1,5 million.  

Cheminots, enseignants, fonctionnaires, avocats, magistrats : les opposants au nouveau système universel de retraites, projet emblématique de la présidence Macron, ont défilé pour faire céder un gouvernement affaibli par la démission, lundi, du maître d’œuvre de la réforme, Jean-Paul Delevoye, soupçonné de conflit d’intérêt depuis des révélations dans la presse sur des activités non déclarées.

Celui-ci a été remplacé mardi soir par le député du Nord Laurent Pietraszewski, qui sera chargé de reprendre les négociations avec les syndicats après 13 jours de bras de fer.

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Les leaders politiques Jean-Luc Mélenchon (gauche radicale), Olivier Faure (Parti socialiste) et Julien Bayou (écologiste) ont appelé mardi le gouvernement à retirer sa réforme.

Premier syndicat de France, réformiste et favorable au principe d’une réforme du système de retraites, la CFDT s’est cette fois mobilisée en soulignant que la mise en place d’un « âge d’équilibre » (64 ans en 2027), annoncée par le premier ministre Edouard Philippe il y a une semaine, constituait « une ligne rouge ».

Cette mesure vise à maintenir l’équilibre financier du système, chacun pouvant continuer à partir à la retraite à 62 ans, mais avec un malus sur sa pension et un bonus pour ceux partant après.

« Il faut que tous ceux qui portent une réforme juste et équitable soient dans la rue pour montrer que nous ne voulons pas de cet âge d’équilibre qui est terriblement injuste, qui va concerner d’abord ceux qui ont commencé à travailler tôt », a déclaré le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, présent au début du rassemblement à Paris.

Sujet très sensible

Alors que les manifestants défilaient à travers la France, le premier ministre Edouard Philippe a affirmé sa « détermination totale » à mener à bien la réforme.

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M. Philippe doit recevoir mercredi les organisations syndicales et patronales représentatives dans une série de rencontres bilatérales, avant une réunion multilatérale jeudi.  

La retraite est un sujet éminemment sensible en France, la population restant attachée à un système par répartition jusqu’à présent réputé comme étant parmi les plus protecteurs au monde. Les détracteurs du projet comptent sur la relative impopularité du président Macron pour sortir victorieux du conflit et sur le contexte très tendu depuis la mobilisation depuis plus d’un an du mouvement social des « gilets jaunes », mais aussi sur les mécontentements exacerbés dans les hôpitaux, parmi les étudiants, les policiers, les agriculteurs.

A quelques jours des congés de fin d’année, la grève illimitée, notamment dans le métro parisien et les chemins de fer, s’est poursuivie mardi.

Mercredi, le trafic des trains et des métros sera de nouveau « fortement perturbé ».

La maire de Paris Anne Hidalgo a de son côté réclamé des indemnisations pour les commerçants de la capitale, dont l’activité pâtit de la situation.