(Londres) Les Britanniques votent jeudi lors de législatives incertaines, mais déterminantes pour l’avenir du Royaume-Uni, susceptibles de dégager la voie au Brexit immédiat voulu par le premier ministre Boris Johnson ou d’aboutir au nouveau référendum promis par le travailliste Jeremy Corbyn.

Rien n’est joué dans ces élections, les troisièmes de ce type en trois ans. Le Labour a réduit sur le tard l’écart avec les tories, systématiquement en tête des enquêtes d’opinion durant la campagne. Et a rendu crédible l’hypothèse d’un nouveau virage à 180 degrés dans cette saga qui divise le Royaume-Uni et ébranle une Union européenne jamais confrontée dans son histoire au départ d’un pays membre.

Les premières tendances seront connues dès la fermeture des bureaux de vote à 22 h (17 h à Montréal), quand sera publié un sondage de sortie des urnes, généralement fiable, sur la répartition des 650 sièges de la Chambre des communes. Les premiers résultats sont attendus une heure plus tard et tout au fil de la nuit.

C’est pour sortir le Royaume-Uni de l’impasse du Brexit que Boris Johnson a voulu ces législatives, trois ans et demi après la victoire du « leave » avec 52 % des voix au référendum de 2016.  

Le dirigeant espère obtenir la majorité absolue - soit environ 320 sièges de députés - qui lui a fait défaut pour faire adopter par le Parlement l’accord de divorce négocié avec Bruxelles. S’il remporte son pari, il promet un retrait de l’UE le 31 janvier, terminant ainsi, après trois reports, 47 ans d’un mariage tumultueux.  

A contrario, une consécration des travaillistes pourrait signer l’arrêt de mort du Brexit : ils veulent renégocier un nouvel accord de divorce, plus social, qu’ils soumettraient à un référendum avec comme alternative le maintien dans l’UE.  

« Le gouvernement est resté bloqué pendant longtemps et nous avons besoin d’aller de l’avant », a confié la trentenaire Naomi Buthe à l’AFP après avoir voté dans le centre de Londres.  

Verdict tranché

Une troisième voie pourrait émerger, celle d’un Parlement sans majorité, comme lors du scrutin de 2017, qui entretiendrait le flou dans lequel se trouve plongé le Royaume-Uni.  

À Bruxelles, les dirigeants européens réunis en sommet espèrent un verdict tranché, comme le premier ministre Irlandais Leo Varadkar, « de sorte que l’on sache vers où on se dirige au cours des prochains mois ».  

Boris Johnson a voté jeudi matin à Westminster, posant avec son chien Dilyn dans les bras, Jeremy Corbyn un peu plus tard à Islington (nord de Londres), se prêtant au jeu des égoportraits avec des électeurs.

Comme le premier ministre, de nombreux électeurs, dans un pays gaga des animaux domestiques, se sont rendus aux urnes accompagnés de leur compagnon à quatre pattes, voire de leurs chats ou chevaux, photos à l’appui sur les réseaux sociaux.

« Toujours indécise en montant les marches » jusqu’à son bureau de vote à Londres, Tippy Watson, 53 ans, dit à l’AFP avoir choisi « la moins pire des options ».

Colin Anderson, gestionnaire immobilier de 41 ans, déplore lui que des sujets comme « l’économie et l’environnement aient été d’une certaine manière mis de côté » dans cette élection « structurée » par la sortie du pays de l’UE.

« Choix historique »

« Réalisons le Brexit ! » : Boris Johnson, 55 ans, a martelé ce mantra tout au long d’une campagne sans grand relief, mais marquée par des coups bas, notamment sur les réseaux sociaux, provenant en grande partie des conservateurs.

Outre l’unification du pays, il s’agit d’enfin pouvoir s’atteler aux « priorités » des Britanniques, comme la santé et la sécurité, a affirmé le chef de gouvernement, qui pourrait être mis en difficulté dans sa circonscription d’Uxbridge et South Ruislip (ouest de Londres) par un jeune travailliste d’origine iranienne, Ali Milani.

Au dernier jour de la campagne, l’opposition a une fois de plus dénoncé ses mensonges, en particulier son affirmation de pouvoir boucler un accord commercial post-Brexit en moins d’un an avec l’UE, un délai jugé irréaliste à Bruxelles.  

Jeremy Corbyn, vétéran de l’aile gauche du Parti travailliste, a lui promis un « vrai changement » après presque une décennie de pouvoir conservateur. Nationalisations et investissements massifs dominent son programme, surtout dans le service public de santé (NHS), affaibli par l’austérité.

« Le choix auquel vous êtes confrontés […] est véritablement historique », a-t-il lancé en clôturant une campagne où il a traîné comme un boulet des accusations d’inaction face à l’antisémitisme dans son parti.

Sur le Brexit, le septuagénaire prévoit de rester « neutre » en cas de second référendum.  

Les plus petits partis comme les libéraux-démocrates ou les nationalistes écossais du SNP pourraient grappiller quelques sièges essentiels en cas de Parlement sans majorité. Le SNP s’est dit prêt à servir d’appoint aux travaillistes en échange d’un nouveau référendum sur l’indépendance de l’Écosse.