(Paris) La ministre française des Armées Florence Parly s’est inclinée mercredi au Mali devant les cercueils des 13 militaires tués accidentellement lors d’une opération antidjihadiste, alors que les questions affluent sur les limites de l’intervention française au Sahel.

Elle s’est recueillie dans l’enceinte de la chapelle ardente où les 13 corps ont été réunis sur la base de Gao, avant leur rapatriement vers la France, et a rencontré leurs frères d’armes, a indiqué le ministère des Armées dans un communiqué.  

La ministre a redit « à cette occasion aux militaires qui se battent contre le terrorisme au Sahel la douleur, la reconnaissance et la détermination de la Nation », a ajouté le ministère. La cérémonie, dédiée aux soldats, était fermée à la presse.  

Florence Parly était accompagnée du chef d’état-major des armées, le général François Lecointre, et du chef d’état-major de l’armée de Terre, le général Thierry Burkhard.  

Les deux hélicoptères à bord desquels les 13 militaires opéraient sont entrés en collision alors qu’ils appuyaient des commandos parachutistes qui avaient repéré des camionnettes suspectes dans le sud du Mali.  Aucun des occupants n’a survécu.

Ces hommes, tous officiers et sous-officiers, servaient au 5e régiment d’hélicoptères de combat (5e RHC), au 4e régiment de chasseurs (4e RCH), au 93e régiment d’artillerie de montagne (93e RAM) et à la Légion étrangère.

Une cérémonie d’hommage national, présidée par le président Emmanuel Macron, aura également lieu lundi aux Invalides, symbole militaire à Paris, qui accueille depuis le 17e siècle vétérans et blessés de guerre et abrite le tombeau de Napoléon Ier.

Une nuit sans lune

Sur la base de Pau Uzein (sud-ouest), d’où provenaient sept des 13 hommes, leurs frères d’armes ont salué mercredi leur mémoire en présence des familles, dont l’ancien ministre Jean-Marie Bockel, père d’un des pilotes tués, a constaté une journaliste de l’AFP.  

Deux avions de chasse Rafale de la base voisine de Mont-de-Marsan ont survolé Pau Uzein en signe d’hommage. Dans une manœuvre à valeur de symbole, l’un des appareils a rompu la formation pour monter droit au ciel, à la verticale.

L’armée française a subi avec ce drame une de ses plus grandes pertes depuis l’attentat contre le QG français Drakkar à Beyrouth en 1983, qui avait fait 58 morts.

Les deux boîtes noires ont été récupérées pour être analysées par des enquêteurs. « Dans les prochains jours, elles vont parler », a assuré le général Lecointre sur la radio France Inter.  

« Je ne sais pas exactement ce qui s’est passé », a-t-il ajouté, « mais une opération militaire au Sahel, c’est toujours un exercice de très haute couture […] qui exige une coordination extrêmement fine, dans des conditions toujours  difficiles, dans des conditions de combat », a-t-il expliqué.

Les appareils, un hélicoptère de combat Tigre et un Cougar servant au transport de commandos, volaient à très basse altitude par une nuit noire « sans lune », a raconté le porte-parole de l’état-major des Armées, le colonel Frédéric Barbry, sur la chaîne BFMTV.

La presse française pointait mercredi le « lourd tribut » payé par la France dans la lutte antidjihadiste au Sahel-41 morts depuis 2013-se faisant l’écho de questions qui reviennent en boucle : faut-il rester au Mali, pour quoi faire ?

« Passé le moment des hommages et du deuil, on ne pourra pas échapper à une interrogation collective sur le devenir et les modalités de l’intervention française. Où va Barkhane ? », s’est interrogé le quotidien régional Nice-Matin.

Pas de « victoire définitive »

L’opération française Barkhane mobilise 4500 hommes dans la bande sahélo-saharienne. Mais, après six ans de présence ininterrompue, l’horizon est de plus en plus obscurci.  

Les violences djihadistes persistent dans le nord du Mali et se sont propagées au centre du pays ainsi qu’au Burkina Faso et au Niger voisins. Les pertes sont de plus en plus lourdes pour les armées locales, débordées.

« Nous n’atteindrons jamais une victoire définitive », a concédé, sans fard, le général François Lecointre.  Mais le combat de l’armée française est « utile et nécessaire », a-t-il réaffirmé.

Un quasi-consensus demeure pour l’instant dans la classe politique française sur la nécessité de poursuivre la mission, à l’exception d’appels émanant de La France Insoumise (LFI, gauche radicale).

Un retrait serait « irresponsable », a déclaré le président du Modem (centre) et maire de Pau, François Bayrou, dont la cité est en deuil.

Le ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian a réitéré « la détermination totale » de la France à poursuivre son action contre « la menace terroriste ».

« C’est à la fois la sécurité de ces pays, mais peut-être leur existence même et c’est notre sécurité, celle des Français, des Européens » qui sont en jeu, a-t-il souligné devant la Commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale.