(Paris) Tirs de lacrymogènes contre jets de pavés, feux de poubelles et mobilier urbain saccagé : les manifestations de « gilets jaunes », qui ambitionnaient de donner un second souffle à leur mouvement de contestation sociale, ont été marquées samedi par le retour des violences dans certains quartiers de Paris et d’autres villes françaises.

Les manifestations ont rassemblé 28 000 personnes dans toute la France, dont 4700 à Paris, selon le ministère de l’Intérieur. La dernière participation équivalente remonte au samedi 9 mars, avec 28 600 personnes en France. De son côté le mouvement a donné une estimation globale de 39 530 participants.

Un an après la naissance de ce mouvement inédit, la place d’Italie, dans le sud de la capitale française, a été le théâtre de flambées de violences dans l’après-midi, ont constaté des journalistes de l’AFP, qui ont vu des manifestants blessés et des pompiers empêchés d’intervenir. La situation est restée confuse deux heures durant, alors que les forces de l’ordre s’efforçaient de disperser de petits groupes de casseurs, alternant charges brèves et déluge de lacrymogènes et utilisant plusieurs fois un canon à eau.

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La préfecture de police a alors interdit la manifestation de gilets jaunes qui devait partir à 14 h (13 h GMT) de la place. Pour le préfet Didier Lallement, étaient rassemblés sur la place « des individus qui ne défendaient pas une cause, mais procédaient à des destructions » et à des « attaques systématiques contre les forces de sécurité et contre les pompiers ».  

Le calme est revenu en milieu d’après-midi une fois la place, parfois noyée sous un nuage de gaz lacrymogène, évacuée par les forces de l’ordre.

À 20 h (14 h), la préfecture de police faisait état de 147 personnes interpellées à Paris, et le parquet de Paris de 129 gardes à vue.

La situation a également été tendue un moment place de la Bastille, où une première marche autorisée, arrivée du nord-ouest de Paris, a été bloquée par les forces de l’ordre, a constaté une journaliste de l’AFP.  

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En début de soirée, des petits groupes de manifestants ont rejoint les alentours du centre commercial du Forum des Halles, au cœur de Paris, très fréquenté à cette heure. Les forces de l’ordre ont fait usage de gaz lacrymogène pour les disperser et procédé à quelques interpellations.

Devant une entrée de la préfecture de police, une voiture siglée police a été retournée sur le toit au milieu de la chaussée, et le pare-brise d’un véhicule des douanes a été brisé.

Épicentre de plusieurs samedis violents, l’avenue des Champs-Élysées, cadenassés et interdits à toute manifestation, a été épargnée.

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Les forces de l’ordre sont intervenues à plusieurs reprises, place d’Italie pour disperser de petits groupes de manifestants, parfois encagoulés, samedi à Paris.

Les « gilets jaunes », qui avaient rassemblé 282 000 manifestants lors du samedi inaugural, cherchaient pour cet « acte 53 » à redonner un souffle à la « révolte des ronds-points » qui avait ébranlé le mandat du président français Emmanuel Macron, mais ne rassemblait plus que quelques milliers de personnes ces derniers mois.

« Répression »

Des manifestations ont également connu des violences dans d’autres villes de France.

Les forces de l’ordre ont tiré des gaz lacrymogènes à Lyon (centre-est) où un millier de manifestants avaient gagné le centre-ville qui leur avait été interdit, à Nantes (ouest) où des heurts ont éclaté entre forces de l’ordre et près d’un millier de manifestants, à Bordeaux (sud-ouest, 1800 personnes) et à Toulouse (sud-ouest, quelques centaines de personnes).

À Montpellier (sud), la permanence d’un député du parti présidentiel La République en Marche a été vandalisée.  

Les « gilets jaunes » ont également réoccupé des ronds-points, distribuant des tracts aux automobilistes, sans importante perturbation, dans le Sud-Est et dans l’Ouest, en Normandie et en Bretagne.

Des appels à manifester au cours du week-end ont été lancés partout en France pour l’anniversaire du mouvement, qui avait initialement été déclenché par une nouvelle taxe sur le carburant ensuite abandonnée, avant de devenir une ample contestation qui a ébranlé le mandat du président Emmanuel Macron.

Le 17 novembre 2018, près de 300 000 personnes selon les autorités, gilet fluo sur le dos, avaient répondu à un appel lancé sur Facebook, hors de tout cadre politique ou syndical, et occupé des centaines de ronds-points, symboles de la France périurbaine au pouvoir d’achat en berne.

À Paris, certains avaient bloqué une partie des Champs-Élysées, devenus ensuite emblématiques des samedis de manifestations et dont le saccage, en décembre 2018, avait créé une onde de choc, jusqu’à l’étranger.  

En mars 2019, les autorités avaient interdit aux gilets jaunes « la plus belle avenue du monde », épargnée samedi après avoir été placée sous haute surveillance policière, comme d’autres points névralgiques de la capitale.

Après que le gouvernement a concédé primes d’activité, heures supplémentaires défiscalisées et organisé un vaste débat national, le mouvement s’est progressivement étiolé, pour ne plus réunir que quelques milliers de manifestants lors des derniers week-ends.  

Martin, sans emploi, venu à Paris de Suresnes (ouest de la capitale), retient de l’année écoulée « des super rencontres, une répression de fou », et il est déterminé à continuer.

Car les multiples revendications des protestataires demeurent : baisse de la taxation sur les produits de première nécessité, retour de l’impôt sur la fortune, référendum d’initiative citoyenne.