(Madrid) L’Espagne votait dimanche pour la quatrième fois en quatre ans dans un climat alourdi par la crise catalane et la montée de l’extrême droite qui prétend la résoudre par la manière forte.

À 13 h (heure du Québec), la participation était en baisse à 56,86 %, près de quatre points de moins que lors des dernières élections le 28 avril.

Six mois après ce scrutin qu’il avait remporté sans majorité absolue, le premier ministre socialiste Pedro Sanchez, de nouveau favori, a demandé aux 37 millions d’électeurs de lui donner un mandat clair pour mettre un terme à l’instabilité politique que connaît l’Espagne depuis 2015.

Mais les sondages indiquent que les Espagnols ne le feront pas et qu’il devra se contenter d’un gouvernement minoritaire et de négocier des appuis au cas par cas au Parlement.

Les résultats sont attendus vers 16 h (heure du Québec), deux heures après la clôture des bureaux de vote.

D’après les enquêtes d’opinion, le Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) perdrait plusieurs de ses 123 sièges, les conservateurs du Parti Populaire (PP) se remettraient du pire résultat de leur histoire (66 sièges), et Vox, le parti d’extrême droite entré au parlement en avril avec 24 sièges, deviendrait la troisième force, avec plus de 40 députés.

Dans tous les cas, ni un bloc de gauche (PSOE, gauche radicale Podemos et sa liste dissidente Mas Pais) ni une alliance des droites (PP, VOX et les libéraux de Ciudadanos) n’atteindraient la majorité absolue de 176 sièges sur 350.

Vox a surfé sur la crise catalane

La Catalogne aura dominé la campagne électorale après les manifestations ayant dégénéré en violences mi-octobre suite à la condamnation de neuf dirigeants indépendantistes à de longues peines de prison pour la tentative de sécession de 2017.

Et Vox, dont le chef Santiago Abascal prône l’interdiction des partis séparatistes, la suspension de l’autonomie de la Catalogne et l’arrestation de son président indépendantiste Quim Torra, en a été le bénéficiaire, selon les sondages.  

Dans son dernier meeting de campagne, vendredi soir à Madrid, ses supporters scandaient « Torra a la mazmorra ! » (Torra au cachot !).  

« J’ai toujours voté PP mais vu la situation, je crois qu’il faut employer la manière forte » avec la Catalogne et l’immigration, autre thème central de la campagne de Vox, disait une sympathisante, Ana Escobedo.

Dimanche, Rafael Garcia, 84 ans, indiquait avoir voté pour la droite à Madrid pour défendre « l’unité de l’Espagne », sans vouloir dire pour quel parti.  

« Tenir tête au franquisme »

Pedro Sanchez a tenté de mobiliser l’électorat de gauche contre la montée de Vox, qu’il présente comme un retour du franquisme, en dénonçant la droite qui n’a pas hésité à s’allier avec ce parti pour prendre le contrôle de l’Andalousie, la région plus peuplée d’Espagne, de la région de Madrid, la plus riche, et de la mairie de la capitale.

« L’Espagne a besoin d’un gouvernement progressiste, pour tenir tête au franquisme, aux extrémistes et aux radicaux », a-t-il répété sans relâche durant la campagne.

Dans un bureau de vote de Barcelone, Mari Carmen Lopez, kinésithérapeute de 25 ans, ne cachait pas sa fatigue de devoir voter de nouveau.

« J’ai pensé à ne pas voter, “une nouvelle fois, quel cauchemar !”. Mais j’aurais regretté si la droite et l’extrême droite gagnent », dit cette électrice de la gauche radicale de Podemos en dénonçant la radicalisation des positions sur la Catalogne.

M. Sanchez ne cache pas qu’il préfère gouverner seul en minorité plutôt que de tenter de s’entendre avec Podemos après l’échec de leurs négociations l’été dernier. Il répète que les autres partis devraient laisser gouverner celui qui arrive en tête, en s’abstenant lors du vote de confiance de la chambre.

Jusqu’à présent, le Parti Populaire exclut de s’abstenir. Mais la plupart des analystes s’attendent à ce qu’il finisse par le faire, pour éviter la colère des électeurs.

Pour José Ignacio Torreblanca, du European Council on Foreign Relations, Sanchez projette d’obtenir « l’abstention de tous à la dernière minute, au risque de nous pousser au bord de l’infarctus ».