(Manchester et Londres) Le premier ministre britannique Boris Johnson a présenté mercredi une proposition de «compromis» pour éviter un Brexit sans accord, accueillie plutôt froidement par les Européens malgré le risque d’un «no deal» le 31 octobre.

Arrivé au pouvoir fin juillet avec la promesse de sortir coûte que coûte son pays de l’Union européenne, le chef du gouvernement conservateur a présenté ce qu’il voit comme un «compromis raisonnable» dans une lettre au président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker.

Ce dernier a relevé des «avancées positives», mais aussi des «points problématiques» dans ce plan. Le négociateur en chef de l’Union européenne Michel Barnier a lui aussi souligné des «progrès», mais estimé que «il reste encore beaucoup de travail à faire».

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Michel Barnier

Ce plan permet selon Boris Johnson de régler le casse-tête de la frontière irlandaise, sur lequel butent toujours les négociations du Brexit à moins d’un mois de sa date prévue, plus de trois ans après la victoire du «Leave» au référendum.

Ce plan maintiendrait l’Irlande du Nord à terme dans la même zone douanière que le reste du Royaume, sans pour autant prévoir les contrôles douaniers physiques à la frontière entre la province britannique et la République d’Irlande, membre de l’Union européenne, vus comme menaçant les accords de paix de 1998.

Les modalités techniques restent floues et Boris Johnson n’a pas caché qu’il faudrait être «créatif» en termes de contrôles douaniers.

Boris Johnson a souligné que cette solution rendait à Londres le contrôle «total» sur sa politique commerciale, contrairement au décrié «backstop» (filet de sécurité) du précédent projet d’accord, rejeté trois fois par le Parlement. Il prévoyait à défaut d’une autre solution le maintien du Royaume-Uni tout entier dans une union douanière avec l’UE.

La «première réaction» du Parlement européen n’est «pas positive», a déclaré mercredi soir le député Guy Verhofstadt, qui préside le groupe chargé du divorce au sein de cette assemblée, ne voyant pas «les garanties nécessaires» pour l’Irlande.

Après s’être entretenu avec Boris Johnson, le premier ministre irlandais Leo Varadkar a estimé que ces propositions «ne remplissent pas entièrement les objectifs du backstop» et réaffirmé sa volonté de continuer à travailler pour trouver un accord.

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Leo Varadkar

Mercredi en fin de journée, Boris Johnson s’est également entretenu avec la chancelière allemande Angela Merkel, avec Jean-Claude Juncker, et doit poursuivre ses discussions avec ses homologues ces prochains jours, selon ses services.

Allié des conservateurs, le petit parti nord-irlandais DUP, a salué une bonne «base», qui permet d’écarter les risques pour le marché intérieur britannique.

Les marchés financiers ont semblé peu convaincus par les chances de succès de cette proposition à éviter un «no deal» aux conséquences potentielles désastreuses pour l’économie, la Bourse de Londres finissant sur une chute de plus de 3%.

La perspective du rétablissement d’une frontière entre les deux Irlande en cas de «no deal» inquiète particulièrement Dublin, qui y voit une menace pour la paix en Irlande du Nord, difficilement établie en 1998 après trois décennies de violences entre des républicains nationalistes (catholiques), partisans de la réunification de l’île, et loyalistes unionistes (protestants), défenseurs du maintien dans la Couronne britannique.

Contrôles douaniers?

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Boris Johnson était à Manchester mercredi, pour le congrès de son parti.

Dans son discours de clôture du congrès de son parti conservateur à Manchester, Boris Johnson a averti qu’en cas de rejet de son plan, le Royaume-Uni sortirait de l’UE le 31 octobre «quoi qu’il arrive», assurant que le pays est «prêt» à un «no deal».

À 29 jours de la date prévue pour le Brexit, le temps presse.

Boris Johnson a prévenu qu’en cas d’échec des négociations avec l’UE, il ne demanderait pas de report du Brexit à Bruxelles. Une loi lui impose pourtant de demander un nouveau report s’il n’obtenait pas d’accord avec l’UE d’ici au 19 octobre, juste après le prochain sommet européen.

Après avoir vu la Cour suprême annuler sa décision de suspendre le Parlement pour cinq semaines, dénoncée comme une manœuvre pour museler l’opposition et précipiter le pays vers une sortie sans accord, Boris Johnson veut de nouveau suspendre l’activité parlementaire : cette fois pour quelques jours seulement, afin d’assurer les préparatifs d’un discours de la reine le 14 octobre pour détailler les priorités de son gouvernement.