(Rome) Deux touristes américains de 19 ans ont été arrêtés pour le meurtre d’un carabinier en civil dans le centre de Rome, qui a suscité le malaise en Italie après un déchaînement de remarques xénophobes.

Si témoins et éléments matériels ne manquent pas, il reste cependant des zones d’ombre autour de la mort de Mario Rega Cerciello, 35 ans, tué de huit coups de couteau par un jeune homme qu’il était en train d’interpeller pour un vol de sac dans la nuit de jeudi à vendredi dans un quartier cossu proche du Vatican.

Les deux Américains ont été arrêtés vendredi après-midi dans l’hôtel quatre étoiles où ils séjournaient. Leurs valises étaient bouclées et ils avaient un billet pour rentrer aux États-Unis le soir même.

Selon les médias italiens citant les forces de l’ordre, il s’agit d’Elder Finnegan Lee et de Gabriel Christian Natale Hjorth, tous deux originaires de San Francisco.  

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La police n’a pas diffusé de photos mais des journaux ont publié deux photos des jeunes hommes au moment de leur arrestation à l’hôtel. Cheveux courts, l’un brun, l’autre blond.

Selon un communiqué des carabiniers, ils sont passés aux aveux vendredi soir. L’arme du crime, un couteau « de dimension importante », a été retrouvée dissimulée dans le double plafond de leur chambre d’hôtel. Les vêtements qu’ils portaient la nuit du meurtre ont aussi été saisis.

Ils avaient volé le sac d’un Italien et lui réclamaient 100 euros et un gramme de cocaïne pour le restituer. Ce dernier a prévenu les forces de l’ordre, et quand les deux carabiniers ont voulu interpeller les Américains, l’un des deux jeunes a sorti son couteau.

Cependant, selon les médias italiens citant les enquêteurs, la victime du vol était un revendeur que les deux touristes accusent de leur avoir vendu de la poudre d’aspirine en la faisant passer pour de la cocaïne.

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« Ces bâtards »

Celui qui aurait avoué avoir tué le carabinier a assuré ne pas avoir compris qu’ils avaient affaire aux forces de l’ordre et avoir paniqué, pensant qu’il s’agissait d’amis du revendeur.

Au cours d’une audience samedi après-midi devant le juge chargé de valider l’arrestation des deux jeunes pour homicide aggravé et tentative d’extorsion, il a choisi de garder le silence, a dit à la presse son avocat, Me Francesco Codini.

Interrogé par l’AFP, un porte-parole du Département d’État à Washington s’est contenté d’assurer que les États-Unis s’employaient à fournir « une aide consulaire appropriée » à tout citoyen américain arrêté à l’étranger.

Mais les médias italiens s’interrogent : comment ces deux adolescents ont-ils pu dérober apparemment facilement le sac du revendeur ? Pourquoi ce dernier a-t-il prévenu la police ? Pourquoi les deux Américains avaient un tel couteau sur eux ? Pourquoi les deux carabiniers sont-ils intervenus en civil dans une zone qui n’était pas de leur compétence en temps normal, et ce sans attendre les renforts habituels ?

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Sur les lieux, des anonymes ont apporté des dizaines de bouquets de fleurs et de messages vendredi et samedi pour rendre hommage au carabinier. Ce dernier, qui rentrait tout juste de sa lune de miel à Madagascar, sera inhumé lundi dans sa commune natale au pied du Vésuve, en présence de nombreux représentants de l’État.

L’affaire provoque aussi un certain malaise en raison de la virulence des premières réactions, pendant le laps de temps où les suspects ont été présentés comme pouvant être des Maghrébins ou des Africains.

Sur la base du témoignage du coéquipier, le premier communiqué de presse des carabiniers décrivait l’auteur des coups mortels comme étant « probablement africain ».

« Apparemment, ce ne sont pas des Italiens, comme c’est surprenant ! », a tonné le ministre de l’Intérieur d’extrême droite, Matteo Salvini, dès vendredi matin, réclamant « les travaux forcés à perpétuité » pour « ces bâtards ».

L’autre chef politique du gouvernement, Luigi Di Maio (Mouvement 5 étoiles, antisystème) a affirmé que les meurtriers devraient « purger leur peine dans leur pays ». La cheffe d’un petit parti parti d’extrême droite a parlé de « bêtes sauvages ».

Les internautes se sont déchaînés sur les réseaux sociaux, avant que le débat ne change complètement de ton à l’annonce de l’arrestation des Américains.

« Comment ont-ils pu arriver en Italie ? », s’est insurgé un internaute vendredi matin. « En avion, avec un visa », lui a répondu un autre dans la soirée.