(Sangatte) Franky Zapata, « l’homme volant » qui avait décollé jeudi matin près de la plage de Sangatte debout sur son « flyboard », a échoué à traverser la Manche en tombant en mer au moment où il devait se ravitailler, avant d’être secouru conscient. Devant les journalistes, il reconnaît un « échec » mais compte bien retenter au plus vite ce vol « extraordinaire ».

Selon plusieurs sources, M. Zapata est tombé dans les eaux anglaises juste à côté du bateau de ravitaillement en kérosène et a été secouru. Il était conscient au moment de l’intervention pour l’extraire de l’eau, selon une conversation radio entendue par une journaliste de l’AFP.

« Il va bien et il est en train d’être ramené sur le littoral. Il a été secouru par les plongeurs du bateau. Il a rassuré son épouse qu’il a eue au téléphone », a déclaré le maire de Sangatte, Guy Lallemand.

« Il y a eu un souci au niveau du ravitaillement entre les eaux françaises et anglaises. Du coup, il n’a pu effectuer la procédure. Donc la traversée de la Manche est annulée », a sobrement déclaré une porte-parole de l’équipe Zapata en refusant de confirmer explicitement sa chute.

Peu après la nouvelle de la chute, l’ambiance était pesante sur la plage de Sangatte. L’équipe était en train de remballer le matériel, le public était en partance.

Pour effectuer cette traversée d’environ 35 km de la Manche, 110 ans après l’exploit de Louis Blériot, premier aviateur à avoir franchi le détroit par les airs, Franky Zapata devait ravitailler sa machine volante en kérosène côté anglais, à 18 km des côtes françaises.

Champion d’Europe et du monde de jet-ski, ce Marseillais de 40 ans misait sur une traversée d’une vingtaine de minutes pour rallier les côtes anglaises dans la zone de St Margaret’s Bay, en volant à environ 140 km/h et à 15 ou 20 mètres au-dessus de l’eau.

Vers 9 h 05, debout sur une sorte de plateforme, les pieds solidement coincés comme dans des chaussures de snowboard, il avait décollé à la verticale, dans un vrombissement assourdissant, d’un parking proche de la plage de Sangatte-Blériot-Plage, devant plusieurs dizaines de curieux qui applaudissaient et une importante équipe de production.

Dans sa combinaison noire et rouge, le visage dissimulé derrière la visière de son casque noir, il a survolé la digue puis disparu en quelques secondes à l’horizon, au dessus de la mer-où naviguaient au loin quelques voiliers-, se dirigeant grâce à un joystick tenu dans une main.

Des bateaux devaient le suivre jusqu’à son atterrissage près de Douvres.

Le « Flyboard », une machine volante autonome alimentée en kérosène stocké dans son sac à dos, est doté de cinq mini-turboréacteurs qui lui permettent de décoller et d’évoluer jusqu’à 190 km/h debout dans les airs, avec une autonomie d’une dizaine de minutes.

L’attraction des Champs-Élysées

Pour cette traversée de la Manche, large de quelque 35 km, il devait donc se ravitailler en route côté anglais, à 18 km des côtes françaises, en se posant sur un bateau pour changer de sac à dos.

Franky Zapata avait en effet dû revoir la logistique après « l’avis défavorable » émis début juillet par les autorités françaises qui pointaient notamment la « dangerosité » de la zone et son trafic particulièrement dense. Elle l’a finalement levé mardi soir après avoir obtenu de « nombreuses garanties » concernant la « sécurité ».

« Traverser la Manche est un challenge physique et technique que nous préparons depuis six mois. Il a fallu notamment repousser les limites de consommation de la machine », a déclaré M. Zapata mercredi lors d’essais sur le littoral, fier d’avoir « créé une nouvelle manière de voler ».

Le 14 juillet, lors du défilé militaire sur les Champs-Élysées, Franky Zapata avait offert un épatant spectacle futuriste : fusil en main, il avait volé à plusieurs dizaines de mètres du sol sur son invention, « 100 % développée en France » au Rove (Bouches-du-Rhône).

En 2017 pourtant, il avait été cloué au sol plusieurs mois par les autorités, faute de d’avoir respecté les règles de sécurité et d’homologation.

Depuis, son invention a été exhibée fin 2018 au Forum Innovation Défense de Paris : lors d’une démonstration des forces spéciales, le Flyboard Air avait été utilisé comme plateforme pour un tireur d’élite positionné en appui de commandos partis à l’assaut depuis des embarcations sur la Seine.

Cette plateforme volante propulsée par cinq réacteurs à jet d’air intéresse les forces spéciales françaises, qui y voient du « potentiel pour un emploi dans les opérations spéciales en zone urbaine ».

Avant de créer son « Flyboard Air », M. Zapata « volait » déjà sur l’eau avec son premier Flyboard aquatique. La planche était alors « propulsée au-dessus d’un plan d’eau par le jet de la turbine d’une moto marine ».

En 1909, l’exploit de Louis Blériot avait jeté les bases de l’aéronautique moderne. Parti à 4 h 41 le 25 juillet du hameau des Baraques à Sangatte (rebaptisé Blériot-Plage en 1936), il avait posé son aéroplane à 5 h 18 dans une prairie, au pied du château-fort qui domine le port de Douvres, après avoir couvert en 37 minutes les 43 km à la vitesse moyenne de 65 km/h.