(Paris) Les voix pour une reconstruction à l’identique se font de plus en plus pressantes.

Elle est triste à voir, Notre-Dame. Deux mois après le spectaculaire incendie qui a failli la réduire en cendres, la cathédrale est devenue une coquille sans vie. Guère que les curieux et les preneurs d’égoportraits pour animer les contours du site, désormais protégé par des cordons policiers.

Il y a deux semaines, le président Emmanuel Macron a réaffirmé sa volonté de reconstruire en cinq ans le célèbre bâtiment. Une tâche difficile mais « possible », selon lui, en dépit de ce qu’en pensent les experts.

PHOTO BERTRAND GUAY, AGENCE FRANCE-PRESSE

Seuls des curieux et des preneurs d’égoportraits animent les contours du site, désormais protégé par des cordons policiers.

La promesse concerne particulièrement la fameuse flèche qui s’est effondrée le soir du 15 avril. Le chef de l’État français n’exclut pas une reconstruction « inventive » inspirée de ce qu’avait fait l’architecte Eugène Viollet-le-Duc au XIXe siècle, allant jusqu’à parler d’« audace respectueuse ».

Cette déclaration a ravivé le débat sur la restauration de Notre-Dame. Car bien sûr, tous ne s’entendent pas sur la façon de rénover la cathédrale.

Faut-il reconstruire comme l’original ou oser une restauration plus contemporaine ?

En France, tout le monde a son opinion sur le sujet.

Un nombre impressionnant de projets modernes, plus ou moins sérieux, ont circulé sur les médias sociaux dans les semaines suivant l’incendie.

Mais les tenants d’une reconstruction à l’identique semblent vouloir reprendre la main sur le débat.

Cette semaine, deux sommités se sont notamment exprimées en ce sens.

En entrevue mardi au Figaro, l’architecte en chef des monuments historiques responsable de Notre-Dame depuis 2013, Philippe Villeneuve, a plaidé pour une restauration à l’identique, afin que la flèche ne soit « pas datable ».

Évoquant le cas de la cathédrale de Cologne (« une verrue de 1950 sur un bâtiment ancien »), M. Villeneuve a par ailleurs brandi la charte de Venise, traité international de 1964 qui suggère qu’« on restaure les monuments historiques dans le dernier état connu ».

Mercredi, l’historien de l’art Adrien Goetz a ajouté son grain de sel lors d’une cérémonie d’hommage à la cathédrale incendiée.

PHOTO PHILIPPE LOPEZ, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Les dégâts étaient toujours bien visibles à l’intérieur de Notre-Dame le 15 mai dernier, un mois après l’incendie.

M. Goetz, qui est membre de l’Académie des beaux-arts, a insisté sur l’importance de reconstruire la flèche telle qu’elle était, par respect pour son architecte Viollet-le-Duc (1814-1879).

« Il possède une œuvre, il faut nous battre pour elle jusqu’à la dernière gargouille », a affirmé Adrien Goetz.

La Majorité pour une reconstruction à l’identique

Un sondage YouGov publié fin avril montre que plus d’un Français sur deux (54 %) souhaite une reconstruction à l’identique, contre 25 % seulement favorables à un « geste architectural » contemporain.

C’est aussi le cas de Julien Bastoen, spécialiste des questions de reconstruction et enseignant à l’École nationale supérieure d’architecture Paris-Belleville.

Dans l’absolu, l’expert n’a rien contre les propositions plus modernes.

Mais Notre-Dame, dit-il, n’est pas un bâtiment comme les autres. C’est un symbole et une icône.

« Pour certains types de bâtiments ou de monuments, je pense que ce serait envisageable. Pourquoi pas ? Mais dans ce cas particulier, je ne vois pas comment on pourrait imaginer autre chose, du point de vue du respect des chartes patrimoniales et des règlements en vigueur, explique M. Bastoen.

« Ce qui fait l’importance de Notre-Dame, c’est l’image dans son ensemble. Si l’on revoit complètement la silhouette de cette cathédrale, on risque de perdre l’aura du bâtiment. L’aura, c’est à la fois l’authenticité, le rayonnement, la place dans l’imaginaire collectif. Si on touche à ça, on dénature l’image de cette cathédrale dans l’imaginaire collectif. » — Julien Bastoen, enseignant à l’École nationale supérieure d’architecture Paris-Belleville

Le ministre de la Culture, Franck Riester, a assuré début mai que les Français pourraient donner leur avis lors d’une « grande consultation » publique, même si le choix décisif du projet reviendra à l’État.

Le gouvernement a annoncé qu’il organiserait un concours international sur la reconstruction de la flèche. Si l’on se fie à ce qui a été proposé depuis avril par des artistes et des cabinets d’architectes, on ne risque pas de s’ennuyer…

— Avec l’Agence France-Presse

Réinventer Notre-Dame

Loufoques, originales, visionnaires… voici quelques propositions « audacieuses » pour la reconstruction de Notre-Dame.

Une piscine sur le toit

Le studio UMA, de Stockholm, souhaite construire une piscine sur le nouveau toit de la cathédrale. Le projet est présenté comme un « espace méditatif avec vues imprenables sur Paris ». Pour UMA, une cathédrale « n’est pas une île isolée dans le tissu urbain. Elle appartient à la ville et aux gens ».

IMAGE FOURNIE PAR ULF MEJERGREN ARCHITECTS

Le studio UMA, de Stockholm, souhaite construire une piscine sur le nouveau toit de la cathédrale. Le projet est présenté comme un « espace méditatif avec vues imprenables sur Paris ».

Un faisceau lumineux

IMAGE FOURNIE PAR ANTHONY SÉJOURNÉ

Le graphiste français Anthony Séjourné suggère un faisceau lumineux qui monte jusqu’au ciel. L’idée de la flèche demeure, tout comme celle de l’élévation spirituelle. Mais dans un esprit de dématérialisation.

Le graphiste français Anthony Séjourné suggère un faisceau lumineux qui monte jusqu’au ciel. L’idée de la flèche demeure, tout comme celle de l’élévation spirituelle. Mais dans un esprit de dématérialisation.

Un plafond de verre

IMAGE FOURNIE PAR FUKSAS

Fuksas, studio d’architecture italien, envisage pour sa part une flèche et un toit en verre, qui seraient illuminés la nuit, tandis que le soleil entrerait par le toit de la cathédrale pendant le jour.

Fuksas, studio d’architecture italien, envisage pour sa part une flèche et un toit en verre, qui seraient illuminés la nuit, tandis que le soleil entrerait par le toit de la cathédrale pendant le jour.

Un toit de vitrail

IMAGE TIRÉE DU COMPTE INSTAGRAM D’ALEXANDRE FANTOZZI

Un cabinet de São Paulo propose un toit et une flèche tout en vitrail. « Pas d’ego. Pas d’aspirations artistiques. Seulement un but religieux » explique l’architecte Alexandre Fantozzi.

Comme la proposition précédente, mais en mieux. Ce cabinet de São Paulo propose un toit et une flèche tout en vitrail. « Pas d’ego. Pas d’aspirations artistiques. Seulement un but religieux » explique l’architecte Alexandre Fantozzi.

Une flèche de métal

IMAGE FOURNIE PAR GODART + ROUSSEL

Pour Godart + Roussel, aucun doute : il faut une touche de modernité au futur édifice. Dans ce cas-ci, un toit vitré, surplombé d’une flèche de métal.

Pour Godart + Roussel, aucun doute : il faut une touche de modernité au futur édifice. Dans ce cas-ci, un toit vitré, surplombé d’une flèche de métal. « Nous ne concevons pas que Notre-Dame puisse être reconstruite à l’identique […]. Quel plaisir y retrouverions-nous, à part celui de se conforter dans la certitude que tout est éternel ? »

Notre-Dame… nature

IMAGE FOURNIE PAR LE STUDIO NAB

Le sudio NAB propose de transformer la charpente en serre urbaine. Et la flèche en ruche.

Et si la reconstruction de Notre-Dame s’inscrivait dans une démarche écolo ? Du toit végétalisé aux panneaux solaires, plusieurs propositions vont dans le sens d’une cathédrale plus verte. NAB, par exemple, propose de transformer la charpente en serre urbaine. Et la flèche en ruche. On aime !