(Paris) La capitale française poursuit sa vaste opération de lutte contre la pollution en annonçant son intention de limiter la vitesse à 50 km/h sur le boulevard périphérique et en piétonisant les environs de la tour Eiffel.

Et si on ralentissait pour voir ? À Paris, l’idée fait son chemin.

Dans un rapport rendu public mardi, des élus parisiens suggèrent de réduire la limite de vitesse à 50 km/h sur le boulevard périphérique qui ceinture la ville.

Cette mesure – qui pourrait être implantée dans un avenir assez rapproché – s’inscrit dans un vaste plan de « dépollution » de la capitale française, que la maire Anne Hidalgo souhaite mener à terme avant les municipales de 2020.

Plus d’un million d’automobilistes empruntent chaque jour le boulevard périphérique. Cette autoroute urbaine est un incontournable de la vie parisienne, pour le meilleur et pour le pire. La limite de vitesse avait déjà été abaissée de 90 à 70 km/h, il y a cinq ans. Pas assez, visiblement, pour décongestionner cette voie qui n’a plus rien d’express.

Le « périph » est en quelque sorte le cousin parisien du circuit formé par les autoroutes Décarie, Métropolitaine, Ville-Marie et l’A25, à Montréal. La vitesse de circulation sur ces quatre artères ceinturant le cœur de la métropole québécoise est plafonnée à 70 km/h.

Outre l’abaissement de la limite à 50 km/h, le rapport préconise une quarantaine de mesures. Parmi celles-ci : la réduction du nombre de voies, de quatre à trois ; l’implantation d’un couloir pour le covoiturage ou les véhicules moins polluants ; l’interdiction de poids lourds de plus 3500 kg en transit. Ultimement, l’objectif est de végétaliser ce trajet de 35 km ultra-bétonné et d’y favoriser l’implantation de nouveaux modes de mobilité.

Coïncidence : ces propositions tombent la semaine même où une mère et sa fille, habitant la banlieue parisienne, poursuivent l’État pour son incapacité à protéger les citoyens contre la pollution de l’air. Les deux femmes, qui ont vécu pendant 20 ans en bordure du périphérique, affirment souffrir de crises d’asthme et de bronchites à répétition.

Pour la mairie de Paris, ce plan de transformation relève nettement d’un « impératif de santé publique ». Imposer une vitesse constante à 50 km/h permettrait au trafic de gagner en fluidité. L’effet accordéon (ralentissement, accélération) qu’on observe généralement dans ce genre de voies est en effet la cause première d’émissions de particules polluantes.

« Grotesque ! »

Le rapport a été bien accueilli dans son ensemble. Mais certains n’ont pas manqué de le critiquer. C’est le cas de Pierre Chasseray, délégué général de l’association 40 millions d’automobilistes, qui appréhende un certain nombre de dommages collatéraux. « Grotesque ! lance-t-il. S’ils réduisent le nombre de voies, tout ce qu’ils vont réussir à créer, c’est un bouchon constant… On invente le bouchon continu ! »

Le périphérique appartient officiellement à la Ville de Paris. Mais les banlieues limitrophes – premières concernées par ces transformations – seraient vraisemblablement impliquées dans le processus. Pas étonnant que Mme Hidalgo en ait dévoilé les contours dans une conférence de presse aux Lilas, commune située en banlieue de Paris.

Certaines de ces propositions seront à l’ordre du jour dès le 11 juin au conseil de Paris. La réduction de la limite de vitesse et la création d’un couloir réservé pourraient être implantées dès 2024, tandis qu’on vise 2030 pour la réduction du nombre de voies.

Comme quoi Anne Hidalgo n’entend pas lever le pied…

Survol de la lutte d'Anne Hidalgo contre les changements climatiques

Piétonniser

Le passage du Trocadéro à la tour Eiffel sera piétonnisé et végétalisé d’ici quatre ans, a annoncé cette semaine Mme Hidalgo. Ces aménagements sont prévus pour avant les Jeux olympiques de 2024. Finies les voitures sur le pont d’Iéna. La zone de circulation autour du quai Branly sera pour sa part limitée à 20 km/h. Ce n’est pas le premier gros projet de piétonnisation à Paris. En 2016, Mme Hidalgo avait provoqué la polémique en piétonnisant les berges sur la rive droite de la Seine, privant les automobilistes frustrés d’un axe de transit important. Ce nouveau projet affectera vraisemblablement moins de monde.

« Débitumer »

Encourager l’agriculture urbaine, enlever l’asphalte des cours d’école, végétaliser les murs, les trottoirs, les sites. Si tout se passe comme prévu, près de 14 hectares auront été reverdis à Paris entre 2014 et 2020, dont la place de la Nation, l’esplanade Saint-Louis et la promenade sportive Nation Stalingrad. Des lieux emblématiques, comme la place de la Bastille, sont pour leur part reconfigurés afin de réduire et dissuader la circulation automobile.

Pédaler

Le plan vélo, lancé en 2015, prévoit un investissement de 150 millions d’euros pour faire de Paris une « capitale mondiale du vélo ». Ce projet a notamment pour objectif de faire passer de 700 à 1400 le nombre de kilomètres de pistes cyclables et de créer 10 000 places de stationnement pour les vélos. Plusieurs de ces chantiers sont en cours, notamment rue de Rivoli, près du Louvre. Il y aura même des pistes cyclables sur les Champs-Élysées. Ces installations serviront aussi aux trottinettes électriques, incarnation des mobilités dites « nouvelles », qui ont envahi Paris dans la dernière année.

Râler

Tous ces aménagements entraînent son lot d’inconvénients. Équivalent des cônes orange montréalais, les clôtures vertes et grises pullulent dans les rues de Paris, signe d’une multiplication des chantiers. Forcément, ça râle. Anne Hidalgo accélère la cadence dans l’espoir que les Parisiens verront les bienfaits de tous ces travaux avant les élections municipales de mars 2020, où elle compte se porter candidate. Impopulaire un temps, elle profite apparemment de la tendance verte qui souffle sur l’Europe. Sa réélection semble assurée, d’autant qu’elle a peu de candidats valables devant elle. Du moins pour l’instant.

Creuser

Deux cents kilomètres de lignes automatiques, 68 gares, pour un total de 38 milliards d’euros. S’il relève de l’État et non de la Ville, le vaste projet du Grand Paris Express participe pleinement du combat contre la voiture mené par Anne Hidalgo. Ce super métro de banlieue est actuellement en construction. D’ici trois ans, 20 tunneliers creuseront sous terre en même temps. Les premières lignes de cet immense réseau seront dévoilées en 2024, pour coïncider avec la tenue des Jeux olympiques, et le projet devrait être terminé d’ici 2030.