(Londres) Le Royaume-Uni se prépare pour un nouveau moment de vérité au Parlement : les députés voteront début juin sur un projet de loi sur l’accord de Brexit présenté par Theresa May, qui pourrait siffler la fin de partie pour son gouvernement.

Cette fois, le vote portera sur la législation qui doit être adoptée pour mettre en œuvre son accord, et non sur l’accord en lui-même, qui a été rejeté trois fois par les élus britanniques. Ce tour de passe-passe permet à la première ministre conservatrice de le remettre à l’ordre du jour.

« Il est impératif » de présenter ce projet de loi « la semaine du 3 juin » afin que le Royaume-Uni puisse quitter l’Union européenne « avant la pause parlementaire de l’été », qui devrait démarrer fin juillet, a jugé Downing Street.

Dans l’éventualité où les députés l’approuvent, le texte devra ensuite faire la navette entre les deux chambres du Parlement puis être validé par la reine Élisabeth II. Si la procédure est achevée avant le 31 juillet, le pays pourra quitter l’UE à cette date.

Cela impliquerait que des députés britanniques siègent au moins quelques semaines au Parlement européen nouvellement constitué, dont la première session plénière est prévue le 2 juillet, alors que Londres a longtemps espéré éviter cette situation paradoxale, trois ans après le référendum qui a décidé de la sortie du pays de l’UE.

Les rejets successifs des députés ont déjà contraint Londres à demander deux fois à Bruxelles un report de la date de sa sortie, initialement prévue le 29 mars et désormais fixée au 31 octobre au plus tard.

Face à l’impasse parlementaire, le gouvernement et l’opposition travailliste ont entamé début avril des pourparlers pour trouver un compromis sur la future relation entre leur pays et l’UE.

C’est à l’issue d’une réunion avec le chef du Labour, Jeremy Corbyn, que le gouvernement a annoncé la présentation de son projet de loi, affirmant que les discussions avaient été « utiles et constructives ».

« Qu’est-ce qui a changé ? »

Mais le Labour a lui émis des « doutes » quant « à la crédibilité des engagements du gouvernement », en particulier à cause « de députés conservateurs et de membres du cabinet qui cherchent à remplacer la première ministre », dont l’autorité a très sérieusement pâti des atermoiements sur le Brexit.

Mme May a promis de céder la place dès que le traité de retrait de l’UE serait approuvé mais elle est sommée par certains députés de fixer d’ores et déjà la date de son départ.

« Nous avons de sérieuses inquiétudes sur le fait de négocier avec un gouvernement en plein processus de désintégration », a déclaré un porte-parole du Labour mercredi.

Cependant, tout en soulignant que les députés travaillistes ne soutiendraient pas le projet de loi sans un accord, il n’a pas exclu qu’ils s’abstiennent, ce qui pourrait l’aider à passer.

Tout comme les Conservateurs, même si c’est dans une moindre mesure, les travaillistes ont souffert dans les urnes début mai, lors des élections locales, d’un processus de Brexit qui traîne en longueur.

Un parti profite surtout de la situation : le Parti du Brexit, créé en février et présidé par l’europhobe Nigel Farage, qui caracole en tête des sondages pour les élections européennes prévues le 23 mai au Royaume-Uni.

Outre la résistance issue des rangs conservateurs, Mme May risque d’être une nouvelle fois confrontée à l’opposition de son allié au Parlement, le petit parti unioniste nord-irlandais DUP.

Ce dernier conteste en particulier une disposition de l’accord de Brexit appelée « filet de sécurité » (backstop en anglais) qui vise à éviter le retour d’une frontière physique en Irlande entre le nord, province britannique, et la République d’Irlande, membre de l’UE, en prévoyant le maintien de tout le Royaume-Uni dans une union douanière si aucune autre solution n’est trouvée.

« Qu’est-ce qui a changé ? À moins que (Theresa May) puisse démontrer que quelque chose de nouveau permette de résoudre le problème du “backstop”, il est fort probable qu’elle échoue encore à faire passer son accord », a déclaré Nigel Dodds, chef de file du DUP au Parlement.