(Lyon) Après bientôt six mois de mobilisation, le mouvement des gilets jaunes a de nouveau peiné à mobiliser pour son acte 26, marqué par des heurts à Nantes et Lyon, épicentres des manifestations du jour.

Selon le ministère de l’Intérieur, ils étaient 18 600 personnes en France, dont 1200 à Paris, soit la plus faible mobilisation depuis le début du mouvement le 17 novembre. Un décompte contesté par les « gilets jaunes » qui ont comptabilisé environ 37 500  manifestants.

Des chiffres proches de ceux de samedi dernier (19 000 selon les autorités, plus de 40 000 pour les organisateurs). Et bien inférieurs à ceux du 1er mai ou de la mobilisation des fonctionnaires jeudi.

À Nantes, où Maxime Nicolle dit « Fly Rider » avait fait le déplacement parmi quelque 2000 manifestants, la manifestation a rapidement été très tendue.

Des tirs de projectiles ont entraîné une riposte notamment par tirs de LBD. Un journaliste de la chaîne d’information CNews assure notamment avoir été touché au niveau du bas ventre mais il va « bien », sa « ceinture abdominale ayant permis d’atténuer le choc ». Quelque 26 manifestants ont été interpellés.

Les forces de l’ordre ont également sorti leur arme face à un automobiliste qui tentait de forcer un barrage. Une enquête de police a été ouverte.

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À Lyon, où il y avait également environ 2000 personnes, gendarmes mobiles et CRS ont été l’objet de jets de bouteilles, pierres ou pétards, entraînant de nombreux tirs de gaz lacrymogènes. Des heurts qui ont fait 10 blessés côté forces de l’ordre, au moins un côté manifestants selon l’AFP et ont conduit à 9 interpellations sur la journée.

À Bordeaux, ex-bastion du mouvement, la mobilisation a continué de baisser avec 700 « gilets jaunes ».

À Nice, où une centaine de gilets jaunes seulement ont défilé en présence du chanteur engagé dans les européennes Francis Lalanne, le député LR Éric ciotti a été pris à partie et traité de « collab », a constaté l’AFP.  

« Tant en nombre qu’en motivation, ça n’a rien à voir avec les manifs du début, ça a marché un temps mais il y a de la lassitude. Aussi, beaucoup de gens ont peur des violences policières », reconnaît Mo, un Bordelais de 32 ans et militant de La France Insoumise.  

Alors est-ce le début de la fin d’un mouvement qui représente la pire crise depuis l’arrivée d’Emmanuel Macron à l’Élysée il y a deux ans ? Et il y aura-t-il un sursaut pour l’acte 27 où ce mouvement inédit fêtera ses six mois ?

Un acte dans les urnes ?

« Il y a eu un bel éveil des consciences. Il y a de plus en plus de gens qui nous rejoignent et qui comprennent que le gilet jaune c’est pas une idéologie politique ou terroriste et qu’en dessous il y a des citoyens et que les revendications qu’on apporte sont des revendications citoyennes », veut croire Jérôme Rodrigues, une des figures du mouvement présent à Lyon.

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Jérôme Rodrigues, une des figures du mouvement des gilets jaunes, a manifesté à Lyon.

Certains proposent de nouveaux moyens d’action : repartir sur les ronds-points (une proposition peu réalisée jusqu’à présent), « aller sur les parkings des plages cet été », faire des blocages…

Jérôme Rodrigues a lui appelé à aller voter aux européennes dans 15 jours. « J’appelle au vote, j’appelle surtout pas à l’abstention, l’abstention c’est voter Macron, ça rime. Aussi bien pour le vote blanc, on évite, et surtout je m’inscris dans un vote anti-Macron », a-t-il expliqué, sans être plus précis sur le bulletin que lui-même glissera.

Une chose est sûre, ce ne sera pas une voix pour la liste gilets jaunes conduite par Francis Lalanne, qu’il accuse de « récupération » à ses dépens. D’ailleurs, les sondages accordent de très faibles intentions de vote aux listes se réclamant du mouvement.

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À Lille, Julien, un éducateur spécialisé de 28 ans, se dit « écœuré de la politique actuelle » et réclame « plus de justice sociale et l’instauration du Ric ».

Et toujours les mêmes revendications depuis des mois, malgré le grand débat et les diverses mesures du gouvernement. « Je ne suis pas contre les riches mais il y a trop de disparités financières », lance Laurence 57 ans, une comptable parisienne.

« Nous on demande juste qu’il [Emmanuel Macron] écoute un peu ce qui se passe en dessous, qu’il fasse un geste, mais on se fait encore moins d’illusions depuis le grand débat et ses fausses annonces », conclut Frédéric Boher, « gilet jaune » de la première heure à Lezoux, entre Clermont et Thiers, retraité de la fonction publique.