(Bordeaux) Un mois après la fin du « grand débat national », Emmanuel Macron a annoncé hier ses nouvelles mesures pour en finir avec la crise des gilets jaunes et donner un second souffle à son quinquennat.

Pouvoir d’achat, retraites, baisses d’impôts, décentralisation, environnement, démocratie, alouette…

Dans une longue conférence de presse donnée à l’Élysée — la toute première depuis son élection — le président de la République a dévoilé hier ses (nombreuses) réponses au « grand débat national » qu’il a lui-même lancé début janvier, afin de calmer la grogne et permettre aux Français de s’exprimer.

S’il a salué les « justes revendications » portées par le mouvement des gilets jaunes, Macron a prévenu qu’il maintiendrait le cap avec ses réformes, ce qui ne l’a pas empêché d’annoncer une série de mesures destinées à soulager les Français qui vivent un sentiment « d’abandon » et de « déclassement ».

Assis derrière un bureau blanc, vêtu de son éternel costume sombre, il a déballé son discours avec énergie, avant de répondre aux questions des journalistes pendant près de deux heures. Rythme rapide, ton léger, posture décontractée : rien ne laissait penser qu’il jouait là l’avenir de son quinquennat.

C’était pourtant un moment crucial pour le jeune chef d’État, qui reste historiquement impopulaire.

Trop à droite pour les uns, trop au centre pour les autres, vu comme arrogant en raison de son manque d’empathie, Macron s’est en outre retrouvé au centre d’une crise sociale majeure (les gilets jaunes) qui le dépasse et qu’il a bien du mal à enrayer.

En ce sens, le discours d’hier pourrait lui permettre de souffler un peu, voire redonner de l’élan à sa présidence, alors que se profilent les élections européennes prévues à la fin du mois de mai.

Baisse de l’impôt et ré-indexation des retraites

Entre autres points abordés, Macron a affirmé qu’il fallait poursuivre les « transformations » engagées depuis son élection, qui correspondent profondément, selon lui, « aux aspirations » des Français, malgré la crise des gilets jaunes en révolte contre sa politique.

Ajoutant qu’il avait entendu les inquiétudes et l’exaspération manifestées par les foules, qui dénoncent une perte de pouvoir d’achat et une « injustice fiscale », il a toutefois promis « une baisse significative de l’impôt sur le revenu » et une ré-indexation sur l’inflation des petites retraites dès janvier 2020.

Il s’est également engagé à une « réorganisation profonde de l’administration » pour renforcer les services publics hors des grandes agglomérations (écoles, hôpitaux), un sujet maintes fois soulevé par les gilets jaunes et lors du grand débat.

Cherchant peut-être à casser son image élitiste, il a également dit regretter d’avoir « donné » le « sentiment » d’être « dur », « parfois injuste » avec les Français.

« L’impatience, l’exigence que j’ai avec moi-même, que j’ai avec les membres du gouvernement, je l’ai un peu eue avec les Français. Le sentiment que j’ai donné, c’était une forme d’injonction permanente… Ça, je le regrette. D’abord parce que ce n’est pas ce que je suis profondément et parce que je pense que ça n’a pas aidé à la cause », a-t-il déclaré.

Accueil favorable

Cet acte de contrition et cette batterie de mesures suffiront-ils à acheter la paix ? Telle est la question.

Si l’on se fie aux sondages dévoilés la semaine dernière, à la suite du « fuitage » de son discours, une majorité de Français se dit particulièrement favorable aux nouvelles mesures fiscales du président.

« Ce sont celles qui étaient largement réclamées pendant le grand débat, rappelle Céline Bracq, de la maison de sondages Odoxa. Elles sont largement plébiscitées parce qu’elles répondent à cette obsession des Français pour le pouvoir d’achat. »

Il aurait fallu, en revanche, que le président annonce quelque chose de « vraiment spectaculaire » pour espérer voir la fin du mouvement des gilets jaunes, qui s’est désormais « radicalisé », et qui est « dans une opposition presque de principe à Emmanuel Macron ». Faute de changements « plus structurels », Mme Bracq doute que le chef d’État puisse « renouer » si facilement avec les Français, « notamment les plus modestes ».

Certains, dans tous les cas, ne se font pas d’illusion. C’est le cas de Janique Jouain, résidante de Bordeaux, croisée après la diffusion de la conférence de presse. Pour elle, aucun doute : l’insatisfaction persistera au-delà de ce grand discours et malgré les concessions présidentielles, simple question de tradition et de psyché collective.

« Les Français, de toute façon, ne sont jamais contents. Ils veulent plus d’argent sans travailler, payer moins d’impôts et avoir plus de services. Ce n’est tout simplement pas possible, conclut-elle. La France est un pays non seulement ingouvernable, mais irréformable… »

— Avec l’Agence France-Presse

Le discours en six thèmes

Impôts

Macron promet de baisser les impôts pour la classe moyenne. Pour financer cette réduction (estimée à 5 milliards d’euros), il souhaite supprimer certaines niches fiscales pour les entreprises, réduire les dépenses publiques et évoque la « nécessité de travailler davantage ». Pas question, en revanche, d’abolir des jours fériés ou de prolonger l’âge de la retraite.

Retraites

Les retraités qui gagnent moins de 2000 euros par mois verront, dès 2020, leurs pensions revalorisées par rapport à l’inflation.

Environnement

Emmanuel Macron a souhaité la mise en place d’un « conseil de défense écologique » qui fera des « choix stratégiques » imposés par « l’urgence climatique ».

Élites

Il s’est prononcé pour la suppression de l’École nationale d’administration, l’établissement qui forme les élites françaises, souvent accusée d’être déconnectée, inégalitaire, élitiste.

Démocratie

Pour renforcer l’implication des citoyens dans le débat démocratique, le président propose de redéfinir le référendum d’initiative partagée. Avec le soutien de 1 million de citoyens (au lieu de 4,5 millions actuellement), une loi pourrait être soumise au Parlement ou être soumise au référendum national.

Réforme électorale

Emmanuel Macron est « favorable » à l’introduction d’une dose de 20 % de proportionnelle à l’Assemblée nationale, un « accroissement » de la dose au Sénat, et une baisse du nombre de parlementaires comprise entre 25 % et 30 %.

— Avec l’Agence France-Presse