(Paris) La justice française passe à la vitesse supérieure contre Alain Soral: l’essayiste français d’extrême droite a été condamné lundi à Paris à un an de prison ferme pour négationnisme, une peine assortie pour la première fois d’un mandat d’arrêt délivré à l’audience.

La Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (LICRA) a salué «la fermeté de cette décision qui doit aussi son caractère exceptionnel au mandat d’arrêt» et demandé «sans délais à tous les hébergeurs de contenus de fermer les comptes d’Alain Soral ainsi que ceux d’Égalité et Réconciliation», son site internet.

Alain Soral - de son vrai nom Alain Bonnet, 60 ans - n’était ni présent ni représenté à la lecture du délibéré devant la chambre correctionnelle.  

En vertu du mandat d’arrêt le visant, il peut être interpellé très prochainement et conduit en détention. Son nom doit être ajouté au fichier des personnes recherchées.

Il a été reconnu coupable de contestation de l’existence de la Shoah pour avoir publié sur son site les conclusions de son avocat dans une première affaire le concernant; des propos jugés négationnistes.

Ce dernier, Damien Viguier, a été condamné à 5000 euros d’amende pour complicité de ce délit, en raison du contenu de ces conclusions.

Aux sources de ce dossier se trouve la publication en 2016 par le site d’Alain Soral d’un dessin représentant le visage de Charlie Chaplin devant l’étoile de David, avec dans une bulle la question «Shoah où t’es?». Autour, une chevelure, un savon, une chaussure et un abat-jour répondent «Ici» et «Là».

Il s’agissait d’une fausse Une titrée Chutzpah Hebdo (en hébreu, «Chutzpah» veut dire impertinence, culot), inspirée d’une Une polémique de l’hebdomadaire satirique Charlie Hebdo après les attentats de Bruxelles. Le journal avait alors dessiné le visage du chanteur belge Stromae, encerclé de membres arrachés, demandant «Papa où t’es?», en référence à sa chanson Papaoutai.  

Pour cette publication jugée négationniste, Alain Soral a été définitivement condamné à 10 000 euros d’amende, avec possibilité d’emprisonnement en cas de non-paiement, depuis le rejet de son pourvoi en cassation le mois dernier.

«La mesure du phénomène»

En novembre 2017, Égalité et Réconciliation avait ensuite publié les conclusions de son avocat Damien Viguier dans cette affaire.

La chaussure et les cheveux, représentés sur le dessin condamné, «font référence aux lieux de mémoire organisés comme des lieux de pèlerinage. On y met en scène des amoncellements de ces objets, afin de frapper les imaginations», avait notamment écrit l’avocat. «La coupe des cheveux se pratique dans tous les lieux de concentration et s’explique par l’hygiène», ajoutait-il, renvoyant vers les écrits du négationniste Robert Faurisson.

S’agissant de deux autres détails du dessin, «savon et abat-jour», l’avocat avait prétendu que les savons faits à partir de graisse humaine par les nazis ou les abats-jour en peau humaine n’étaient que «propagande de guerre».

La LICRA et l’Union des étudiants juifs de France (UEJF) avaient signalé ces propos au parquet.

«La justice prend enfin la mesure du phénomène Soral, après 10 ans de condamnations pour des délits racistes et antisémites. M. Soral expérimente enfin la rigueur de la loi», s’est félicité l’avocat de l’UEJF et de l’association J’accuse, Stéphane Lilti.

De son côté, Gérard Guillot, défenseur de l’avocat Damien Viguier, a dénoncé «un scandale». «On condamne un avocat français pour sa simple défense dans un dossier», s’est-il insurgé.

Me Viguier a indiqué sur le site Égalité et Réconciliation qu’Alain Soral et lui-même avaient «fait appel».  

Le tribunal est allé au-delà des réquisitions du parquet s’agissant de l’essayiste, déjà condamné à plusieurs reprises, notamment pour provocation à la haine raciale. Le 5 mars, l’accusation avait demandé six mois ferme contre lui, et 15 000 euros d’amende contre son avocat.

Les deux prévenus devront verser un euro symbolique de dommages et intérêts aux quatre associations antiracistes parties civiles, ainsi que 1500 euros au titre des frais de justice, solidairement, à chacune d’entre elles.

Ils devront aussi publier leur condamnation dans cinq journaux.

En janvier, Alain Soral avait déjà été condamné à un an de prison ferme, sans mandat d’arrêt, pour avoir injurié une magistrate et tenu des propos antisémites sur son site internet.

Il attend en mai quatre autres décisions de justice devant la cour d’appel de Paris.