L'exécution brutale le jour de Noël du frère d'un repenti de la mafia calabraise a provoqué mercredi des interrogations sur l'efficacité du programme italien de protection des familles de repentis et un tollé contre le ministre de l'Intérieur Matteo Salvini.

Mardi vers 18 h 30 locales, Marcello Bruzzese, un Calabrais de 51 ans, a été criblé de balles de calibre 9 mm par deux hommes au visage dissimulé, dans le centre historique de la tranquille ville portuaire de Pesaro (centre est), où il vivait discrètement aux frais de l'État.

Les tueurs, qui se sont enfuis à pied, ont attendu qu'il gare sa voiture sous le logement où il habitait depuis trois ans avec sa femme et ses deux enfants. Ils l'ont exécuté à l'intérieur de l'habitacle.

Selon des sources policières et judiciaires, la victime bénéficiait de la protection de l'État, car son frère, ex-membre de la'Ndrangheta (mafia calabraise), avait collaboré avec la justice italienne.

Marcello Bruzzese avait déjà été grièvement blessé dans sa jeunesse en Calabre, au cours d'une embuscade qui avait coûté la vie à son père et à l'époux de sa soeur.

Son frère Girolamo Bruzzese, dit « Mommo », s'était livré à la police en 2003 après avoir tiré sur le puissant chef de clan calabrais Teodoro Crea, dont il était un homme de confiance, a rappelé le journal Il Fatto Quotidiano.  

Teodoro Crea, originaire de la commune de Rizziconi et à la tête de l'un des clans les plus sanguinaires de la région du port de marchandises de Gioa Tauro, s'était remis de ses blessures.  

« Mommo » Bruzzese (dont le père avait déjà été le bras droit de Teodoro Crea) avait révélé à la justice des secrets du clan, notamment ses liens avec des entrepreneurs ou des hommes politiques locaux, ce qui avait conduit à des arrestations.  

Tartine de Nutella

Silencieux mercredi sur cette exécution, qui souligne pourtant de graves failles dans le programme de protection de l'État italien pour les familles de repentis, le ministre de l'Intérieur Matteo Salvini a été vivement critiqué par ses adversaires politiques.

D'autant que cet adepte obsessionnel de Twitter, mettant en scène ses moindres gestes du quotidien, avait commencé la journée en publiant un « selfie » où il mange tout sourire une tartine de Nutella.  

M. Salvini a ensuite tenté de se rattraper en commentant le séisme de magnitude 4,8  en Sicile provoqué par l'éruption de l'Etna plusieurs heures auparavant. Et il devrait se rendre jeudi dans la préfecture de Pesaro pour une réunion de sécurité.

« Pendant que le ministre de l'Intérieur poste une photo de ses repas, un guet-apens mafieux s'était déroulé à Pesaro », a néanmoins fustigé dans une note Pietro Grasso, sénateur et respecté ancien magistrat antimafia, qui a promis de déposer une question au Parlement sur l'exécution.

« C'est une affaire très grave », a-t-il estimé. « L'État consacre de moins en moins de ressources aux programmes de protection », alors que « la lutte contre la criminalité organisée doit être une priorité ».  

Matteo Salvini avait menacé l'été dernier de retirer l'escorte policière accordée en 2006 à l'écrivain Roberto Saviano (l'auteur de « Gomorra », roman enquête sur la mafia napolitaine), qui s'était montré très virulent contre le nouvel homme fort d'extrême droite du gouvernement.

« Salvini, toi qui as fait de la sécurité la priorité du pays et de ton programme de gouvernement, fréquente plus ton bureau et prends tes responsabilités : moins de tweets et plus de dossiers, la sécurité des citoyens dépend aussi de tes décisions ! » a cinglé Pietro Grasso.

Libera, la principale association italienne antimafia, a réclamé des « réponses immédiates et fermes de la part des représentants du gouvernement ».

« La lutte contre les mafias et la corruption ne peut souffrir des zones d'ombre », a plaidé l'association, rappelant que « le système de protection en place a permis aux collaborateurs de justice d'affaiblir avec leurs déclarations le système mafieux ».