Protégé par un important dispositif policier, le gouvernement espagnol de Pedro Sanchez s'est réuni vendredi à Barcelone pour un conseil des ministres considéré comme une « provocation » par les indépendantistes et marqué par des confrontations entre police et militants radicaux.

« Nous sommes venus ici pour montrer [notre] affection, [notre] attachement à la Catalogne », a déclaré à l'issue de ce conseil la porte-parole du gouvernement Isabel Celaa.

« Soyons ingouvernables », « Faisons tomber le régime » : plusieurs organisations indépendantistes catalanes-comme l'influente Assemblée nationale catalane (ANC), organisatrice ces dernières années de mobilisations massives pour l'indépendance-avaient appelé avec ces mots d'ordre à se mobiliser contre la délocalisation dans la métropole catalane de cette réunion du gouvernement central, sous haute protection policière.

Une manifestation est prévue à 18 h (midi, heure du Québec) dans le centre de Barcelone.

La police régionale des Mossos d'Esquadra a chargé à trois reprises des militants radicaux ayant jeté notamment des barrières ou des pierres sur les forces de l'ordre, a constaté l'AFP.  Les policiers ont tiré une fois des projectiles en mousse.  

Au total, 12 personnes ont été interpellées après ces « affrontements », qui ont fait 51 blessés, dont 30 policiers, selon les autorités régionales.

Près de la gare de França, non loin du palais de Llotja de Mar où s'est tenu le conseil des ministres, plusieurs milliers de manifestants se sont eux rassemblés dans le calme avec des pancartes disant notamment « dehors les forces d'occupation », a constaté l'AFP. Le gouvernement est « venu nous provoquer », a déclaré Carles Serra, salarié de l'industrie textile de 45 ans.

Ce conseil des ministres s'est tenu plus d'un an après la vaine tentative de sécession de la région en octobre 2017 et un an jour pour jour après les dernières élections régionales lors desquelles les indépendantistes ont confirmé leur majorité au parlement régional.

Lors de sa réunion, le gouvernement a approuvé entre autres une forte augmentation du salaire minimum (22 %), une hausse du salaire des fonctionnaires ainsi que des investissements dans les infrastructures catalanes. Mesure symbolique, il a également rejeté la condamnation à mort de l'ancien président de la Catalogne Lluis Companys, fusillé en 1940 par le régime franquiste.

La porte-parole du gouvernement séparatiste catalan, Elsa Artadi, a jugé sévèrement les mesures annoncées. « Pour faire ça, il n'y avait pas besoin de donner tant d'importance » au Conseil des ministres à Barcelone, a-t-elle déclaré.

Reprise du dialogue

Dès l'aube, plusieurs routes avaient été coupées à travers la région par les indépendantistes radicaux des Comités de défense de la République (CDR), dont l'autoroute AP-7 reliant la Catalogne à la France, a indiqué le service de gestion du trafic de la région. Le trafic a repris sur certaines d'entre elles.

L'image des scènes de tensions de vendredi contraste avec la réunion au sommet jeudi soir entre le chef du gouvernement socialiste Pedro Sanchez et le président indépendantiste régional Quim Torra à l'issue de laquelle un inhabituel communiqué commun a été publié pour affirmer le « pari d'un dialogue effectif » en vue de « garantir une solution » à la crise catalane.  

Les positions sur l'autodétermination de la Catalogne restent toutefois diamétralement opposées, la ministre des Politiques territoriales Meritxell Batet ayant martelé vendredi qu'un tel droit « n'existait pas » dans la Constitution espagnole.

Cette reprise du dialogue a été dénoncée avec virulence aussi bien par les séparatistes radicaux que par la droite espagnole.

La présidente du groupe du Parti populaire (droite) à la chambre des députés, Dolors Montserrat, a qualifié de « honte » et de « trahison de l'Espagne » la photo de MM. Sanchez et Torra jeudi soir.

« Le dialogue est selon moi un pas en arrière. Ce n'est pas le moment de dialoguer. Il me semble que c'était seulement une photo pour calmer les esprits », a lancé pour sa part Mariona Godia, une manifestante séparatiste de 35 ans, employée dans l'administration.

Investi à la tête du gouvernement début juin notamment grâce aux voix des indépendantistes catalans, Pedro Sanchez avait entamé son mandat avec la volonté de renouer le dialogue. Mais le ton s'était durci ces dernières semaines entre les deux parties.