Après l'attentat meurtrier de Strasbourg, la pression monte jeudi sur les « gilets jaunes » pour qu'ils rejoignent la table des négociations et renoncent à « l'acte V », samedi, d'un mouvement qui a connu son sixième mort dans la nuit, un homme de 23 ans percuté par un camion.

Le gouvernement n'a « à ce stade pas décidé d'interdire les manifestations » samedi. Mais Benjamin Griveaux a appelé les gilets jaunes à être « raisonnables », « au regard » de l'attentat qui a visé Strasbourg : leur colère s'est « exprimée », « a été entendue », et il y a été « répondu » par le président de la République, a insisté le porte-parole du gouvernement jeudi matin sur Cnews.

« L''ensemble des mesures » annoncées par Emmanuel Macron devraient être présentées dès mercredi en Conseil des ministres, dans « un projet de loi », a annoncé le premier ministre Édouard Philippe au Sénat jeudi après-midi.  

Dans la foulée de l'attentat mardi soir, les autorités ont déclenché sur toute la France le niveau « urgence attentat », le plus haut niveau du plan Vigipirate. Il serait donc « facile » d'interdire par avance les manifestations, mais cela n'empêcherait pas « les personnes souhaitant casser [et] piller de se rendre dans les rues », a insisté M. Griveaux.  

« On ne lâche rien, le Ve acte aura bien lieu samedi », lui ont répondu les « gilets jaunes » de Montceau-les-Mines, selon lesquels « la propagande gouvernementale ne passera pas ».

« Depuis combien de temps y-a-t-il un risque d'attentat sur le territoire ? C'est au gouvernement d'assurer la sécurité des citoyens », a rétorqué de son côté Maxime Nicolle, l'une des figures du mouvement, lors d'une conférence de presse à Paris. Sous le nom de « Fly Rider », Maxime Nicolle avait mis en doute mercredi le caractère terroriste de la fusillade de Strasbourg, dans une vidéo.

Nicolas Dupont-Aignan, le président de Debout la France, a également accusé le gouvernement jeudi d'« instrumentaliser » l'attentat de Strasbourg pour « faire taire » les « gilets jaunes ». Le chef de file de la France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, s'est lui déclaré « douloureusement surpris » que « certains à LREM utilisent » cette attaque « pour peser » sur les « gilets jaunes » : « Si on commence à céder à un assassin en modifiant toute notre vie, c'est lui qui a gagné ».   

Mais la pression sur les manifestants est aussi venue de Laurent Berger, le secrétaire général de la CFDT, selon qui, il serait « de bon ton » qu'ils ne manifestent pas samedi, « pour ne pas surcharger la barque des policiers ». « Si une organisation syndicale était responsable d'autant de violences [...], on la mettrait au ban pour au moins une vingtaine d'années », a-t-il encore lâché, sur RFI.

« Un nouveau modèle français »

« Je leur demande de ne pas manifester samedi », a également appelé Gael Perdrieau, le maire LR de Saint-Etienne, selon qui « le message des gilets jaunes devient inaudible parce que les manifs sont maintenant un support pour les pilleurs et les casseurs ».

En visite à Lille, la secrétaire d'État auprès du ministre de l'Économie, Agnès Pannier-Runacher, a fait état de pertes « entre 25 à 40 % de chiffre d'affaires [pour les commerçants] ces derniers week-ends ». Au passage, elle a appelé les Français à aller faire leurs courses « dans les centre-villes et chez les commerçants », au lieu de passer par des « plateformes internet qui ne payent pas d'impôts en France ».  

Il faut « maintenant que le mouvement s'arrête », a renchéri Richard Ferrand, le président LREM de l'Assemblée nationale sur France Inter, appelant à « passer à la construction d'un nouveau modèle français », via le dialogue national annoncé par Emmanuel Macron lundi.

Sur le terrain, la mobilisation continue.  Au péage autoroutier de la Barque, sur l'A8, à la sortie d'Aix-en-Provence, ils avaient déjà repris leur position dans la nuit de mercredi à jeudi, avec le soutien sur place de François Ruffin, le député France Insoumise de la Somme. Avant de se faire à nouveau évacuer par les forces de l'ordre.

Dans la nuit de mercredi à jeudi, peu après minuit, une sixième personne a perdu la vie en marge de ce conflit. Un « gilet jaune » de 23 ans a été percuté par un poids lourd, à la sortie Avignon-sud de l'A7.  

Parmi les six morts, deux sont des « gilets jaunes ». Deux automobilistes et un motard ont perdu la vie dans des accidents provoqués par des barrages. La dernière victime est une femme de 80 ans mortellement blessée à Marseille par l'explosion d'une grenade lacrymogène lors d'une manifestation.