« Un nouveau week-end de ce type est inenvisageable. » Au lendemain des violences et des dégradations commises lors des manifestations des « gilets jaunes », les professionnels du tourisme et du commerce s'inquiètent de voir s'aggraver les « milliards d'euros de pertes » déjà subies.

« Nos pires craintes ont été confirmées : ce troisième week-end de blocage de suite s'est traduit par une perte d'activité très forte pour l'ensemble du commerce », a déclaré dimanche à l'AFP Jacques Creyssel, délégué général de la Fédération des entreprises du commerce et de la distribution (FCD).

Une réunion est prévue à Bercy lundi à 8 h 15 pour évaluer les conséquences économiques du mouvement, sur le modèle de celle convoquée le 26 novembre, avec notamment des organisations patronales, des fédérations de commerçants et d'artisans, d'assureurs et de banques, d'hôteliers et de restaurateurs.

Une première estimation des pertes sera disponible lundi à la mi-journée, selon M. Creyssel. « Le manque à gagner et les pertes, en particulier dans le domaine alimentaire, vont se chiffrer en milliards d'euros », prédit-il.

Si le chiffre d'affaires du commerce de détail en France est de « 8 à 9 milliards d'euros » sur une semaine ordinaire, avant les fêtes il est plutôt de l'ordre de « 15 milliards ». « Une baisse d'activité aussi forte a des conséquences très lourdes », souligne M. Creyssel.

Les ventes du commerce ont déjà chuté de 35 % puis 20 % lors des deux premiers samedis d'action des « gilets jaunes ».

Quelque 136 000 personnes ont à nouveau manifesté samedi en France, d'après le ministère de l'Intérieur.  

Des violences et des pillages de commerces se sont notamment produits à l'ouest et au centre de la capitale après de premiers heurts au pied de l'Arc de triomphe, commis par quelque 3000 personnes « camouflées en gilets jaunes », selon le ministère.

Ces violences ont fait 263 blessés en France, dont 133 rien qu'à Paris, et donné lieu à 412 interpellations dans la capitale.

La maire de Paris Anne Hidalgo a indiqué que le coût des dégradations surprendra « tant elles sont immenses ».

Alors que sur Facebook, plusieurs appels ont été lancés pour manifester à nouveau samedi prochain à Paris, M. Creyssel a jugé « inenvisageable » un « nouveau week-end de ce type ».

« Des magasins ont été bloqués et certains ont déjà recours au chômage partiel, annulent les recrutements prévus pour Noël, et voient même leur pérennité mise en cause », selon lui.

« L'image accueillante de Paris massacrée »

Même inquiétude au sein de la Chambre de commerce et d'industrie de Paris Île-de-France, qui a appelé dimanche le gouvernement à « rétablir, dans une période de fin d'année cruciale pour le commerce notamment, un climat favorable à l'activité économique ».

« Les appels au dialogue doivent être entendus très rapidement », renchérit le Medef, alors que dans certains endroits du territoire, « les manifestants ont montré une attitude digne et responsable ». « Certaines de leurs attentes doivent être prises en compte », estime le syndicat patronal.

Le groupement national des indépendants (GNI) dont le président de la branche cafés, bars, brasseries, Marcel Benezet a accompagné le président Emmanuel Macron dimanche lors d'une visite d'établissements parisiens vandalisés, demande lui aux gilets jaunes « qu'ils cessent » un « mouvement qui tourne à l'émeute hebdomadaire ».

Mais le GNI veut aussi voir le gouvernement « prendre des mesures urgentes » comme « la défiscalisation des heures supplémentaires et l'abandon de toutes les augmentations de taxes et commissions qui grèvent [le] budget » des « salariés », selon un communiqué.  

« Cette manifestation hier a massacré l'image accueillante de Paris et de la France », s'est enfin alarmé Roland Héguy, président de la Confédération des Acteurs du Tourisme,  auprès de l'AFP, jugeant les fêtes de Noël « compromises, voire fichues ».

M. Héguy, qui préside en outre la principale organisation du secteur hôtelier, l'Union des métiers et des industries de l'hôtellerie (UMIH), craint de « devoir repartir à zéro » après le « travail de fond » accompli par le Quai d'Orsay et les professionnels pour « redorer l'image » du pays après les attentats de 2015 qui avaient fait chuter la fréquentation touristique.

Celle-ci a atteint un record « absolu » pour Paris et l'Ile-de-France grâce aux clientèles étrangères, avec 17,1 millions d'arrivées hôtelières au premier semestre.

Autre conséquence du mouvement : beaucoup de stations-service du Finistère et du Morbihan étaient en rupture de stock totale ou partielle de carburant dimanche, a constaté l'AFP, après le blocage des dépôts pétroliers de Lorient et Brest par des indépendants du BTP rejoints par des « gilets jaunes ».