« Là on s'est pris un pavé, là aussi... et ici toutes les plantes étaient arrachées » : malgré les dégradations subies sur la terrasse de sa brasserie l'Alsace sur les Champs-Élysées, Lionel Guglieri entend rester ouvert samedi pendant la nouvelle manifestation des « gilets jaunes ».

Les commerçants s'organisent avant samedi, qui marquera le troisième week-end de manifestation du mouvement depuis le 17 novembre.  

La semaine dernière, 8000 « gilets jaunes » s'étaient réunis sur les Champs-Élysées, où la situation a dégénéré. Jets de projectiles, feux de barricades de barrières de chantier : des « casseurs » se sont opposés aux forces de l'ordre qui ont répliqué par des tirs de gaz lacrymogène et des lances à eau.

Depuis, la chaussée a été nettoyée, des installations temporaires remplacent les feux tricolores mis à terre, des vitrines visées par des pavés ont été changées ou sont camouflées derrière des plaques de bois.  

« On a des tables qui ont brûlé, les chauffages avec du gaz à l'intérieur ont été pris et jetés en plein milieu des Champs. Dès qu'on a pu, on les a récupérés pour les mettre à l'intérieur. Ils sont tous tordus ou cassés », témoigne Anthony Sebag, directeur d'exploitation du restaurant Bistro 25, qui insiste sur le fait que des « gilets jaunes » l'ont aidé à récupérer du mobilier.  

Il assure vouloir ouvrir samedi. « On va être là, on va voir comment ça se passe, si on peut travailler tant mieux, si on ne peut pas, pour la sécurité de l'établissement et des employés, on fermera. »

Une ouverture, mais sans terrasse, dès vendredi soir : Anthony Sebag prévoit de mettre en sécurité tables, chaises et autres éléments extérieurs.  

La préfecture a conseillé cette semaine à tous les commerçants de retirer leur terrasse samedi, selon Nicole S., la responsable adjointe de la boulangerie Brioche Dorée des Champs-Élysées.  

« Oui, merci du conseil, mais on n'en n'a plus de terrasse », ironise-t-elle. La responsable avait décidé de fermer boutique à 11 h 30 samedi dernier et a passé le reste de la journée au premier étage de la boulangerie avec le personnel à regarder, impuissante, les dégradations faites à sa terrasse et à celle de son voisin, la boulangerie franchisée Paul.

Les Champs « ouverts aux piétons »

Concernant le week-end à venir, « nous n'avons pas encore reçu d'ordre d'ouverture ou de fermeture, c'est la direction générale qui prendra cette décision, sûrement demain », explique la responsable adjointe, qui suppose que le siège est dans l'attente des décisions du gouvernement concernant le dispositif de sécurité.  

Le ministre de l'Intérieur Christophe Castaner a annoncé jeudi soir que « les Champs-Élysées seraient ouverts aux piétons dans un dispositif très resserré, très hermétique, sur l'ensemble des accès » à l'avenue.  Les forces de l'ordre procèderont à des « contrôles d'identité systématiques » et fouilleront les sacs.

En termes de sécurité, la société Protectim, qui assure la surveillance de plusieurs enseignes de l'avenue des Champs-Élysées, a d'ores et déjà prévu de renforcer ses effectifs pour le week-end, d'après un des agents de sécurité.  

Beaucoup d'enseignes refusent de communiquer sur leur ouverture ou fermeture. L'avenue attire entre 200 000 et 300 000 visiteurs par jour, autant de clients potentiels.

Chaque enseigne réfléchit à l'organisation de la journée de samedi, notamment pour éviter de nouvelles pertes.  

Samedi dernier, La Brioche Dorée a perdu 60 000 euros en une journée, en raison des dégradations, des denrées alimentaires jetées à la poubelle et du manque à gagner lié la fermeture anticipée.  

A la brasserie L'Alsace, « on a subi une perte sèche de 50 000 euros. Perte d'exploitation, parce qu'on a dû évacuer l'établissement et fermer. Et puis une perte structurelle, entre 40 et 50 000 euros : des vitres cassées, des toiles de tentes déchirées, arrachées, des fleurs arrachées, des bacs cassés », détaille Lionel Guglieri.

Lui aussi ouvrira son établissement samedi, hormis la terrasse, et fermera si la situation sur « la plus belle avenue du monde » se dégrade.