L'Ukraine a annoncé lundi l'introduction de la loi martiale dans ses régions frontalières après une brusque flambée de tension avec la Russie, fustigée par l'Occident pour avoir capturé trois navires militaires ukrainiens.

Lors d'une session houleuse au Parlement de Kiev, les députés ont voté en faveur de cette mesure, qui va permettre pendant un mois aux autorités de mobiliser ses citoyens, de réguler les médias et de limiter des rassemblements publics.  

Dans une allocution télévisée à la Nation, le président Petro Porochenko a justifié cette initiative, sans précédent depuis l'indépendance de cette ex-république soviétique en 1991, par «la menace extrêmement élevée» d'une offensive terrestre russe.  

L'Ukraine et la Russie sont engagées dans leur pire bras de fer depuis plusieurs années, ce qui a provoqué une vive inquiétude chez les Occidentaux.  

Dimanche soir, des bateaux des gardes-frontières russes se sont emparés de trois navires ukrainiens - deux petites vedettes et un remorqueur - après leur avoir tiré dessus, faisant prisonniers la vingtaine de marins à bord.

Cet incident est survenu en mer Noire lorsque ces navires tentaient de pénétrer le détroit de Kertch pour entrer dans la mer d'Azov. Il a fait plusieurs blessés parmi les Ukrainiens - six selon Kiev, trois selon Moscou - suscitant un tollé en Ukraine et chez ses alliés occidentaux.

L'ambassadrice américaine à l'ONU, Nikki Haley, a dénoncé lundi lors d'une réunion d'urgence du Conseil de sécurité une action «illégale» de la Russie, qui rend «impossible» une «relation normale» entre Washington et Moscou.

Critiques occidentales-

«On n'aime pas ce qui se passe», a commenté le président Trump. «Nous travaillons là-dessus» avec les Européens.  

«Ce qui s'est passé hier est très grave», a estimé le secrétaire général de l'OTAN Jens Stoltenberg.  

«Rien ne paraît justifier cet emploi de la force par la Russie», a déclaré de son côté un porte-parole de la diplomatie française, Londres condamnant «l'acte d'agression» de la Russie.

Le porte-parole du Kremlin a défendu la Russie, qui a agi «en stricte conformité» avec «le droit international». Selon lui, c'est «l'intrusion de navires» ukrainiens «dans les eaux territoriales» russes qui a provoqué la riposte des gardes-côtes.

Plusieurs médias russes ont par ailleurs diffusé lundi soir des extraits vidéo d'interrogatoires de plusieurs marins ukrainiens capturés par les services de sécurité (FSB).  

Dans ces extraits, un homme présenté comme le capitaine d'un des bateaux affirme que les déplacements de son navire étaient une «provocation», répétant la version de faits avancée par les autorités russes. Sur la vidéo, on peut voir ses yeux bouger comme s'il lisait un texte.  

La loi martiale entrera en vigueur mercredi matin dans une dizaine de régions frontalières, notamment de la Russie, du Bélarus et du côté de la mer d'Azov.  

Le pouvoirs ne procèdera à la restriction des libertés civiques qu'en cas d'«une agression terrestre russe», a assuré devant les députés M. Porochenko.  

Face à la résistance de parlementaires, il a dû modifier certaines dispositions de son projet de loi, notamment en réduisant sa durée de 60 à 30 jours pour ne pas entraver la campagne électorale pour la présidentielle, qui doit débuter le 31 décembre.  

Détroit de Kertsch

M. Porochenko a également dû limiter le champ d'action de la loi à des régions frontalières, alors qu'initialement elle devait concerner l'ensemble du territoire ukrainien.  

Lors d'un voté séparé, le Parlement a formellement fixé la présidentielle au 31 mars 2019.  

Ces incidents russo-ukrainiens ne sont que la dernière étape d'une lente montée des tensions autour du détroit de Kertch, qui sépare la péninsule de Crimée, annexée en 2014 par Moscou, de la Russie.

La Russie revendique le contrôle de ce détroit, unique passage maritime reliant la mer Noire à celle d'Azov.  

Moscou a d'ailleurs construit un pont reliant la Russie et la péninsule, inauguré en grande pompe en mai par Vladimir Poutine.

Kiev et les Occidentaux ont régulièrement accusé ces derniers mois la Russie d'«entraver» délibérément la navigation des navires commerciaux entre la mer Noire et la mer d'Azov.

Plus largement, il s'agit d'un nouvel épisode de la crise russo-ukrainienne, commencée avec le soulèvement pro-européen du Maïdan, qui a débouché sur la destitution et la fuite du président Victor Ianoukovitch en février 2014.  

Un mois plus tard, la Russie annexait la Crimée. En avril de la même année, un conflit armé entre Kiev et les séparatistes prorusses éclatait dans l'est de l'Ukraine, qui a depuis fait plus de 10 000 morts.

Kiev et l'Occident accusent la Russie de soutenir militairement les séparatistes, ce que Moscou nie farouchement malgré de nombreuses preuves.