« Nous aussi on tient le cap ! » : une partie des « gilets jaunes », ces manifestants qui ont multiplié les blocages dans toute la France ces derniers jours pour protester contre la hausse des taxes sur les carburants, poursuivait leur action lundi face à un gouvernement inflexible.

Pour la troisième journée consécutive, opérations escargots, blocages et barrages filtrants persistaient avec de premiers blocages de dépôts pétroliers. Et des appels à « bloquer » Paris samedi prochain étaient largement relayés sur Facebook.

La mobilisation n'a « pas la même ampleur que samedi », a relativisé le secrétaire d'État auprès du ministre de l'Intérieur, Laurent Nuñez.  Quelque 13 000 personnes étaient rassemblées sur 358 sites lundi matin, selon une source policière, loin des 290 000 manifestants comptabilisés samedi sur plus de 2000 sites par le ministère de l'Intérieur.

Reste que les plus farouches « gilets jaunes » - référence aux vestes que tout automobiliste doit détenir dans son véhicule afin de se rendre visible en cas d'accident - ne désarment pas, exaspérés par une fin de non-recevoir du gouvernement.  

Outre les péages, stations-service et autoroutes, les « gilets jaunes » ont ciblé lundi plusieurs dépôts pétroliers-notamment à Port-la-Nouvelle et Frontignan (sud), Fos-sur-Mer (sud-est) ou Valenciennes (Nord), selon une source policière-dont les sites étaient sur le point d'être débloqués.

« Je fais 90 km tous les jours et ma femme ne travaille pas. On vit avec mon seul salaire. On dépense 150 euros d'essence par mois, ça devient insoutenable », a confié Fabien, près du dépôt de Fos.

La colère se ressentait également à la Réunion, île française de l'Océan Indien, où 31 barrages restaient en place à la mi-journée, après une nuit marquée par des violences urbaines, et la plupart des écoles restaient fermées.  

Désarçonné par ce mouvement initié par la société civile sur les réseaux sociaux, hors de tout cadre politique ou syndical, le gouvernement a choisi dimanche d'afficher sa fermeté.

« Le cap que nous avons fixé, il est bon et nous allons le tenir », a affirmé le premier ministre Edouard Philippe, tout en assurant avoir entendu la « colère », « la souffrance » des manifestants.

« Nous aussi on tient le cap et ça va durer ! », a rétorqué Kevin Dujardin sur un barrage à Calais (nord).  

« Totale déconnexion »

À droite comme à gauche, on déplorait lundi la position du premier ministre. « Il a tort car cela exacerbe la colère », a réagi la porte-parole des Républicains (droite) Laurence Sailliet, épinglant sa « totale déconnexion » d'avec les Français. Il « "entend" mais s'entête », a abondé sur Twitter le porte-parole du Parti socialiste Boris Vallaud.

Initialement motivée par la récente hausse des taxes sur les carburants-à des fins écologiques selon le gouvernement-cette fronde populaire s'est élargie à une dénonciation plus globale de la politique du gouvernement et de la baisse du pouvoir d'achat.

Samedi, les manifestants avaient bloqué autoroutes, ronds-points ou hypermarchés et certaines de ces actions se sont poursuivies, dans une moindre mesure, dimanche et lundi.  

Malgré la participation de certains camionneurs, la fédération des transporteurs routiers a assuré lundi ne pas vouloir être associée au mouvement des « gilets jaunes » et appelé le gouvernement à dégager les routes.

Le bilan humain du week-end est lourd avec un mort, une manifestante de 63 ans percutée par une conductrice prise de panique, et 511 blessés - dont 17 graves. Au total, 315 personnes ont été interpellées, dont un automobiliste anglais et un chauffeur routier australien, placés en garde à vue à Calais (nord) après avoir touché des manifestants en forçant des barrages.

Alors que des appels à « bloquer Paris » samedi prochain commencent à circuler largement sur les réseaux sociaux, la question de l'avenir de ce mouvement protéiforme et imprévisible reste ouverte. Pour le moment, « on ne peut parler de mouvement social car il faut que cela s'inscrive dans la durée », souligne Stéphane Sirot, historien des mouvements sociaux.  

Ce mouvement de colère est compris par une majorité de Français. Selon un sondage publié par le Journal du Dimanche, 62 % des personnes interrogées jugent qu'il faut « donner la priorité au pouvoir d'achat quitte à aller moins rapidement sur la transition énergétique » dans les prochaines années.