Les Polonais célèbrent dimanche le centenaire de l'indépendance de leur pays, mais ces cérémonies se déroulent dans un climat de grande tension en raison du rôle important qu'y prend l'extrême droite.

Des négociations de dernière minute ont abouti vendredi soir à un accord verbal entre l'État et une association d'extrême droite qui organise chaque année une « marche de l'indépendance » à Varsovie. Sa dernière édition, le 11 novembre 2017, a permis à des groupuscules extrémistes de lancer des slogans nationalistes, racistes et antisémites, ce qui a suscité des commentaires défavorables à l'étranger.

Après une hésitation ces derniers jours, la marche a été entre-temps interdite par la maire libérale de Varsovie et autorisée à nouveau par un tribunal. Le président, Andrzej Duda, et le premier ministre conservateur, Mateusz Morawiecki, ont décidé de recourir aux grands moyens pour empêcher la répétition de tels problèmes.

Gendarmerie militaire

Ils ont décrété que la marche était transformée en cérémonie d'État - sans exclure les nationalistes - et qu'ils y participeraient tous les deux, précédés par une parade militaire. Cette solution devrait a priori limiter toutes sortes d'incidents, grâce à la présence massive non seulement de la police, mais aussi de la gendarmerie militaire.  

Les organisateurs d'extrême droite (qui eux aussi déclarent vouloir éliminer tout mot d'ordre « totalitaire »), dont le Camp National Radical est la composante principale, n'en maintiennent pas moins qu'il s'agit de deux marches distinctes qui se déroulent conjointement.  

Ce compromis ne garantit pas un déroulement harmonieux de la manifestation, d'autant que des groupes de gauche avaient prévu de tenter de bloquer le déplacement des nationalistes.

Dès samedi soir, lors de l'inauguration solennelle d'une statue du défunt président Lech Kaczynski, frère jumeau du leader du parti au pouvoir Jaroslaw Kaczynski, mort dans une catastrophe aérienne à Smolensk, en Russie, en 2010, des groupes d'opposants ont scandé « constitution » et « traîtres fascistes ».  

Concurrencée par les cérémonies de l'Armistice à Paris, Varsovie ne peut compter sur aucune présence étrangère marquante, sauf celle du président du Conseil européen, Donald Tusk, ancien premier ministre libéral polonais.

Si la marche de dimanche est l'événement le plus médiatisé, des centaines de rassemblements, conférences, messes, concerts et expositions permettront aux Polonais d'exprimer leur attachement à leur patrie, qui avait ressuscité en 1918 après 123 années d'absence à cause du partage entre la Russie tsariste, la Prusse et l'Empire austro-hongrois.

Un moment particulier devrait réunir nombre d'entre eux : à midi (6 h HE), ils sont tous invités à entonner l'hymne national, telle une immense chorale virtuelle.

Si tant les conservateurs au pouvoir que les centristes libéraux ont appelé à l'unité nationale à l'occasion de l'anniversaire, la Pologne l'aborde en étant profondément divisée.

Le parti au pouvoir Droit et Justice (PiS), tout en menant une généreuse politique sociale qui lui vaut le soutien d'un Polonais sur trois, s'est engagé dans des réformes de la justice perçues par l'opposition libérale et par la Commission européenne comme une menace pour l'État de droit et la démocratie.

« Bolcheviques contemporains »

Depuis la victoire du PiS aux élections législatives de 2015, la polémique avec les centristes d'opposition de la Plateforme civique reste acerbe.

« Ce ne sont plus deux camps ennemis, mais deux tribus ennemies, qui luttent l'une contre l'autre par tous les moyens », a dit à l'AFP le politologue Stanislaw Mocek.

Tout en affirmant son attachement à la place de la Pologne dans l'Union européenne (UE), le PiS adopte des positions qui donnent des arguments à ceux qui l'accusent de conduire le pays, volontairement ou non, vers un « Polexit ».    

Donald Tusk a évoqué récemment un « risque mortellement sérieux » de la sortie du pays de l'UE.

Prenant la parole samedi à Lodz, en Pologne, M. Tusk - perçu comme un adversaire politique des conservateurs et comme un possible candidat à la présidentielle en 2020 - a critiqué la position des dirigeants polonais vis-à-vis de l'UE, sans les nommer.  

« Ceux qui sont opposés à une présence forte de la Pologne dans l'Europe agissent de facto contre notre indépendance », a-t-il asséné, avant de qualifier ces adversaires de l'UE de « bolcheviques contemporains » et d'inviter les Polonais à « les défaire ».