La médecin d'une résidence pour personnes âgées des Pays-Bas qui a euthanasié une dame âgée atteinte de démence devra répondre de ses gestes devant la justice.

Il s'agit des premières accusations déposées contre un médecin depuis que les Pays-Bas ont légalisé l'euthanasie en 2002.

Les procureurs néerlandais ont expliqué par voie de communiqué, vendredi, que la médecin « n'a pas agi prudemment » et qu'elle a « franchi une ligne » en procédant à cette euthanasie.

L'enquête a débuté en septembre, quand des responsables ont découvert que la médecin avait tout d'abord drogué le café de la dame et qu'elle l'avait maîtrisée au moment d'administrer l'injection létale.

La médecin a répliqué qu'elle ne faisait que respecter une demande écrite formulée il y a plusieurs années par la patiente. Puisque celle-ci n'était plus compétente, a-t-elle ajouté, ce qu'elle disait pendant l'euthanasie n'avait aucune importance.

Les procureurs néerlandais estiment que la requête écrite était « nébuleuse et contradictoire ».

« Dans son testament biologique, la femme écrivait qu'elle souhaitait être euthanasiée 'quand je jugerai que le moment est venu'. Mais quand la résidence lui a demandé à plusieurs reprises si elle voulait mourir, elle a répondu, 'pas encore, ce n'est pas encore si terrible' », selon un rapport publié précédemment par un comité néerlandais d'examen des euthanasies.

« Même si la patiente avait dit à ce moment, 'je ne veux pas mourir', la médecin aurait continué », ajoute le comité, en évoquant le témoignage de la médecin.

Les procureurs ont estimé vendredi que la médecin aurait dû vérifier auprès de la patiente si elle voulait mourir et « le fait qu'elle ait été démente n'y change rien ».

Un expert de l'Université d'Amsterdam, Johan Legemaate, a expliqué que « la déclaration du patient doit être suffisamment claire [...] pour que les médecins sachent à quel moment pratiquer l'euthanasie ».

« Mais est-ce que ça inclut une situation où les médecins droguent secrètement les patients ?, a-t-il demandé. La justice doit maintenant décider si ce médecin a respecté les limites nécessaires. »

M. Legemaate a dit que les cas d'euthanasie de patients atteints de démence sévère sont rares, mais que la décision de poursuivre cette médecin pourrait inciter les autres à être plus prudents.

Le président de la Fédération néerlandaise des médecins, Rene Heman, a souligné la transparence dont a fait preuve la médecin dans cette affaire. Il a rappelé que l'euthanasie de tels patients demeure très controversée.

Les Pays-Bas comptent parmi les cinq pays où les médecins peuvent aider leurs patients à mourir. Seulement deux, les Pays-Bas et la Belgique, accordent ce droit aux gens atteints d'une maladie mentale. En cas de démence sévère, l'euthanasie est possible si le patient a consigné par écrit les conditions en vertu desquelles il souhaite mourir et si d'autres critères sont respectés, par exemple si un médecin confirme que les souffrances sont insupportables et qu'il n'y a aucune chance d'amélioration.

Plus tôt ce mois-ci, des amis d'Audrey Parker, une Canadienne qui militait en faveur de l'euthanasie, ont dit qu'elle a été contrainte de mettre fin à ses jours « prématurément » parce que la loi accorde le droit de mourir uniquement aux gens qui sont compétents mentalement. Le Canada a légalisé l'euthanasie en 2016.

Une organisation pro-euthanasie lancera sous peu une campagne pour modifier la loi canadienne.

Les procureurs néerlandais se penchent sur des enquêtes criminelles concernant deux autres euthanasies discutables. Deux autres dossiers ont récemment été abandonnés.