Clap de fin lundi pour l'édition 2018 des Nobel, marquée par l'absence de la littérature, avec l'économie, un prix plus sensible à l'air du temps qui pourrait couronner des recherches sur le climat ou le développement.

Officiellement « prix de la Banque de Suède en sciences économiques en mémoire d'Alfred Nobel », la récompense obéit aux mêmes règles de discrétion que les autres prix institués par le testament de l'inventeur et philanthrope suédois.

Nominations et délibérations demeurent secrètes 50 ans, et prédire le nom de lauréats est un défi que peu osent relever.

« D'un point de vue historique, il y a à peu près autant d'économistes conservateurs que de libéraux, et ces dernières années, la tendance a été à la diversification : la palette des recherches primées est plus vaste, le choix des lauréats plus éclectique », note l'économiste Gabriel Söderberg de l'Université d'Uppsala.

L'année dernière, le prix était allé à l'Américain Richard Thaler, père de la méthode dite du « coup de pouce », censée corriger les comportements irrationnels des consommateurs, contribuables ou investisseurs.

« Le coeur du prix Nobel, ce sont les prix scientifiques, la paix et la littérature. Le prix d'économie n'est pas formellement un prix Nobel », rappelle M. Söderberg.

Ce particularisme peut rendre « le jury plus attentif à l'opinion publique, un peu plus sensible à la manière dont le lauréat sera accueilli », note-t-il.

C'est pourquoi « les questions de société se reflètent dans le prix. La question du changement climatique est très importante en ce moment, et William Nordhaus pourrait être récompensé », estime le chercheur.

Nordhaus, professeur à l'université Yale, connu pour ses recherches sur les conséquences économiques du réchauffement climatique, présente les caractéristiques du lauréat type en économie : c'est un homme à la nationalité américaine, comme 70 % des primés.

Avec ses 77 ans, il a toutefois 10 ans de plus que la moyenne des lauréats.

Une lauréate pour 2018 ?

Seule une femme a été récompensée depuis 1969 : l'Américaine Elinor Ostrom, en 2009.

Pour Micael Dahlen, professeur à l'École supérieure de commerce de Stockholm, raison de plus pour choisir une lauréate cette année.

« Je verrais volontiers récompensée Esther Duflo, dont les recherches se consacrent aux économies en voie de développement et à la parité, ou Carmen Reinhart, dont les recherches portent sur les finances publiques », explique-t-il.

Dans une note, Hubert Fromlet, professeur à l'Université de Växjö, au sud, distingue plusieurs lauréates possibles parmi des économistes américaines : Anne Krueger, première femme à avoir été directrice adjointe du Fonds monétaire international (FMI), Susan Athey, connue pour ses travaux sur la modélisation de l'incertitude, ou Claudia Goldin, qui travaille notamment sur les inégalités hommes-femmes.

« Je peux aussi penser que le prix aille à un macro-économiste comme Ben Bernanke », avance M. Dahlen.

Parmi les « usual suspects » reviennent aussi les noms des Américains Paul Romer et Paul Milgrom, et du Français Olivier Blanchard, ex-chef économiste du FMI.

Le dernier-né des Nobel fête cette année ses 50 ans. Créé en 1968 pour célébrer les 300 ans de la Banque de Suède, il est la récompense la plus prestigieuse pour un chercheur en économie.

Aussi rigoureuse que soit la recherche des lauréats, le prix n'a pas acquis le même statut que les disciplines choisies par Nobel (médecine, physique, chimie, paix et littérature).

Le testament du savant stipule que les récompenses doivent couronner des personnalités oeuvrant pour « un monde meilleur ».

Pour Micael Dahlen, « l'économie a sur la société les mêmes effets englobants que les autres disciplines et peut donc être considérée comme un postulat de tous les progrès scientifiques vers la culture et la paix ».

« Il s'agit de comprendre et de créer les prémisses du bien-être et du développement », conclut l'économiste suédois.

Le prix doit être attribué lundi à 9 h 45 GMT (5 h 45, heure de Montréal), à Stockholm. Il viendra clore une saison marquée par le couronnement de la Yazidie Nadia Murad, ex-esclave du groupe État islamique, et du médecin congolais Denis Mukwege, qui oeuvrent à « mettre fin aux violences sexuelles en tant qu'arme de guerre ».

Le Nobel - un diplôme, une médaille d'or et un chèque de 9 millions de couronnes (environ 1,318 million de dollars) - sera remis le 10 décembre, à Stockholm.