Débordé par sa base, le président indépendantiste catalan Quim Torra était accusé mardi de se livrer à un double jeu «dangereux» au lendemain d'échauffourées à Barcelone, un an après la vaine tentative de sécession de la Catalogne.

Les images qui resteront du premier anniversaire du référendum illégal d'autodétermination du 1er octobre 2017 seront celles de militants indépendantistes radicaux tentant de pénétrer en force lundi soir dans le parlement catalan avant d'être chargés par la police régionale. Une violence contrastant avec le pacifisme revendiqué du mouvement indépendantiste.

Très critiqué par les radicaux et sifflé lors de la manifestation dans les rues de Barcelone, Quim Torra avait toutefois salué lundi matin l'action de «pression» des militants radicaux des Comités de Défense de la République (CDR) qui menaient alors des actions coup de poing en bloquant des routes et des voies ferrées.

Ce qui lui a valu mardi un vif rappel à l'ordre de la part du gouvernement central et de la classe politique.

«La politique catalane doit effectuer son retour au parlement. Le président Torra doit exercer ses responsabilités et ne pas mettre en danger la normalisation politique en encourageant les radicaux à assiéger les institutions qui représentent tous les Catalans», a tweeté le chef du gouvernement espagnol Pedro Sanchez.

«La violence n'est pas la solution», a-t-il ajouté.

«Le discours du gouvernement catalan est déconnecté de la réalité, ce qui génère frustration et violence dans les rangs des plus radicaux», a dénoncé Miquel Iceta, numéro un des socialistes catalans.

«La Catalogne est devenue une zone de non-droit», a lancé Albert Rivera, patron du parti libéral et anti-indépendantiste Ciudadanos, tandis que le chef de l'opposition de droite du Parti populaire, Pablo Casado, a appelé à «destituer» Torra.

Intervenant mardi devant le parlement catalan, Quim Torra a finalement pris ses distances avec les participants aux échauffourées en assurant que la «mobilisation» séparatiste devait rester «radicalement non violente».

Avant de lancer un ultimatum à Pedro Sanchez dont la majorité à la chambre des députés dépend notamment des indépendantistes catalans.

En l'absence d'ici «novembre» d'une proposition de référendum d'autodétermination, dont Sanchez ne veut pas entendre parler, Torra a assuré que les indépendantistes lui retireraient leur soutien.

Le soir même, le gouvernement d'Espagne a répondu qu'il «n'acceptait pas d'ultimatums», par la voix de sa porte-parole, mais qu'il restait déterminé à dialoguer.

«Très dangereux» 

Samedi, des militants radicaux avaient déjà affronté la police régionale à Barcelone dans des heurts qui ont fait une trentaine de blessés.

Tout en assurant qu'il ne s'agissait que d'une «minorité», Elsa Artadi, porte-parole de l'exécutif catalan, a affirmé mardi: c'est «la première fois que nous sommes confrontés à cette situation au sein du mouvement indépendantiste».

Le quotidien catalan El Periodico a accusé dans un éditorial la «direction indépendantiste» de jouer «un double jeu insoutenable».

Et pour Oriol Bartomeus, professeur de sciences politiques à l'Université autonome de Barcelone, Torra joue en particulier un jeu «très dangereux».

«Entre deux feux» 

«Dans le fond, je pense que Torra partage les idées des CDR mais il sait parfaitement qu'en empruntant cette voie, l'indépendantisme va perdre», ajoute le politologue.

Les échauffourées de lundi soir sont d'ailleurs, selon lui, «l'expression de la désorientation du mouvement indépendantiste qui n'a pas de direction, d'horizon clair après avoir fait ce qu'il a fait l'automne dernier».

Après le référendum interdit du 1er octobre 2017, marqué par des violences de la police nationale dont les images avaient fait le tour du monde, les députés séparatistes catalans avaient proclamé le 27 octobre une éphémère République indépendante.

Mais au front uni entre toutes les composantes de l'indépendantisme qui avait abouti à cette déclaration unilatérale ont succédé les divisions entre partisans de la modération ou de la rupture avec l'État espagnol.

Selon Oriol Bartomeus, Torra est «pris entre deux feux», en continuant à tenir un discours radical tout en ayant renoué depuis juillet le dialogue avec le gouvernement socialiste.

AFP

Quim Torra s'est adressé mardi au Parlement.