Le sentiment de déclin national recule sensiblement, mais la défiance envers les pouvoirs politiques et économiques demeure forte, selon un sondage à paraître mardi portant sur 25 pays et selon lequel les populismes sont un phénomène « durable et installé ».

L'étude, menée par Ipsos en Argentine, Australie, Belgique, au Brésil, Canada, Chili, en France, Allemagne, Grande-Bretagne, Hongrie, Inde, Italie, au Japon, en Malaisie, au Mexique, Pérou, en Pologne, Arabie saoudite, Afrique du Sud, Corée du Sud, Russie, Espagne, Suède, Turquie et aux États-Unis entre fin juin et début juillet, répond à de premiers travaux similaires réalisés en 2016.

En deux ans, la part de personnes interrogées approuvant l'idée que « leur pays est en déclin » est passée de 57 % à 44 %, le Brésil (67 %, -5 points), l'Afrique du Sud (64 %, -13 points) et l'Argentine (58 %, stable), tenant le haut du classement.

Le sentiment, désormais minoritaire en France (47 %), a perdu vingt points en deux ans.

De même, le sentiment que l'économie est tournée vers les riches et les puissants (64 %, -5 points) ou celui que les responsables politiques « ne s'occupent pas des gens comme moi » régressent (58 %, -6 points).

France et Italie

L'idée d'« un leader fort disposé à changer les règles » gagne par ailleurs du terrain, avec une moyenne à 52 % (+ 3 points). Toutefois, l'évolution de l'opinion diffère selon les pays. En France, ils étaient 80 % à souscrire à cette proposition en 2016, contre 61 % désormais. De même, l'Italie est passée de 68 % à 53 % d'opinions favorables à l'idée.

« Même si un certain nombre de moteurs du populisme semblent s'estomper, d'autres moteurs restent à un niveau élevé », note Henri Wallard, directeur général délégué d'Ipsos.

L'Italie (24 %), gouvernée par l'extrême droite de la Ligue et les populistes du M5S depuis le printemps, et la Suède (27 %), où l'extrême droite a battu des records aux législatives début septembre, sont les deux pays où les sondés sont les moins nombreux à considérer qu'il soit « trop risqué de voter pour des politiques aux idées radicales ».

La France et l'Italie sont en outre les deux pays dans lesquels l'affirmation selon laquelle « nous devrions nous en tenir aux partis et leaders politiques qui ont été jusqu'alors au pouvoir » recueille la plus faible approbation : 15 %.

« Il faut se rendre compte que le populisme est un phénomène durable et installé », estime encore Henri Wallard, selon qui, « même si la question de l'immigration n'est pas l'objet de cette étude comparative, elle joue un rôle ».

« On observe en outre que, dans pas mal de pays, on n'a plus peur de tester du nouveau, où les gens se disent : "Pour moi, ça ne pourra pas être pire" », estime encore le chercheur. « Il ne faut absolument pas considérer que le vote populiste soit une sorte d'accident ».

Prospères, mais défiants

Si la défiance envers les institutions internationales baisse en moyenne légèrement sur l'ensemble des pays où l'étude a été menée (47 %, -5 points), elle demeure encore forte en Italie (65 %), Espagne (65 %) et en France (62 %). Ce sont ces mêmes nations qui expriment la plus grande défiance envers les banques (Espagne, 85 % ; Italie, 78 % ; France, 69 %).

« L'idée qu'une croissance économique participerait à un amoindrissement du populisme est à considérer avec beaucoup de prudence », fait valoir le politologue, en citant l'exemple suédois : si le pays est prospère, « le sentiment d'inégalité et de délaissement » progresse, au même rythme que les intentions de vote pour l'extrême droite.

L'étude a été réalisée en ligne du 26 juin au 9 juillet 2018 sur un échantillon de 17 203 personnes, représentatif de la population de 25 pays, âgée de 18 à 64 ans aux États-Unis et au Canada, et de 16 à 64 ans dans les autres pays.