Des centaines de personnes ont bravé la pluie torrentielle qui s'abattait sur Moscou, mercredi soir, pour protester contre l'emprisonnement de jeunes critiques du régime de Vladimir Poutine emprisonnés après avoir apparemment été piégés par la police secrète russe.

Après avoir déambulé dans les rues armés de parapluies et de peluches, pour symboliser l'enfance, les marcheurs ont scandé «Liberté!» une fois arrivés devant la Cour suprême de Russie, point d'arrivée de cette «marche de mères russes».

Parmi les participants se trouvaient la mère d'une jeune femme qui se trouve derrière les barreaux, Anna Pavlikova, qui était âgée de 17 ans au moment de son arrestation et de son audience devant le tribunal.

La séquence d'événements ayant mené à son arrestation, telle que rapportée par des médias européens et des médias indépendants de Russie, a quelque chose d'abracadabrant.

Selon le récit qu'en fait le site français Mediapart, le Service fédéral de sécurité de la Fédération de Russie (FSB) aurait encouragé des jeunes à adhérer à une organisation qu'il a lui-même imaginée, et baptisée «Nouvelle Grandeur».

Certains auraient manifesté leur intérêt, puis exprimé leur hostilité à l'endroit du président russe Vladimir Poutine sur l'application de messagerie sécurisée Telegram (bloquée depuis avril dernier par la justice russe), d'après le quotidien britannique The Telegraph.

Les services policiers ont ensuite procédé à des arrestations, dont celle d'Anna Pavlikova et d'une autre jeune femme, Maria Doubovik, âgée de 19 ans, dont les photos apparaissaient sur la page Facebook de la «marche de mères russes».

La chaîne télévisée indépendante russe Dozhd avait indiqué lundi que la mairie de Moscou avait demandé l'annulation de l'événement. Ils ont été des centaines à faire fi de cette requête, et les rues de la capitale ont été envahies de parapluies, mercredi soir.

Le cortège s'est ébranlé de la place Pouchkine en milieu de soirée, peu après 18h30, alors que les éclairs lézardaient le ciel moscovite. La marche s'est déroulée dans le calme, sous une supervision policière assez discrète.

Mère de deux enfants, Maria Goncharova a qualifié cette affaire de véritable «honte». Elle ne se voyait pas rester les bras croisés face à cette situation, au nom de l'avenir de la jeunesse russe.

L'inquiétude était palpable chez Arthur, 16 ans.

«On a peur qu'on nous arrête, nous aussi, qu'on ait ce problème dans l'avenir. C'est épeurant de vivre en Russie, très épeurant, parce que la répression est énorme et incontrôlable», a-t-il lâché.

Il pense que des marches comme celle de mercredi peuvent faire bouger les choses.

«Absolument! Ça a fonctionné dans d'autres pays. On veut faire ça dans notre pays ici, parce que nous ne sommes pas libres, et nous avons peur. (...) Ils peuvent nous arrêter et nous jeter en prison sans aucune raison», a offert l'adolescent.

Devant la Cour suprême, sous son parapluie, Belyaev, un avocat âgé de 25 ans, a déploré les lacunes du système judiciaire russe.

«Cette manifestation démontre que le système judiciaire russe ne fonctionne pas. Quand la police, les avocats de la poursuite et la Cour travaillent main dans la main, c'est néfaste», a-t-il soutenu.

«Les tribunaux doivent être indépendants, et en Russie, ils ne le sont pas. Et par ailleurs, ce cas est actuellement un cas unique, car l'une des personnes arrêtées est une enfant. Au début des procédures, elle avait 17 ans. C'est terrible», a enchaîné le jeune homme.