Le président turc Recep Tayyip Erdogan s'est juré samedi de répondre aux « menaces » des États-Unis visant à faire libérer un pasteur américain, ne montrant aucune volonté d'apaisement dans son bras de fer avec Washington, qui a accentué la chute de la devise nationale.

Recep Tayyip Erdogan a qualifié par ailleurs d'« instrument d'exploitation » les taux d'intérêt, qui devraient d'après lui être maintenus aussi bas que possible.

« Les taux d'intérêt devraient être maintenus à un minimum car ils sont un instrument d'exploitation, qui rend les pauvres plus pauvres et les riches plus riches », a déclaré M. Erdogan lors d'un discours à Rize, sur la Mer Noire.

Théoriquement indépendante, la banque centrale turque a résisté ces dernières semaines aux pressions du marché la poussant à une hausse des taux d'intérêt pour faire face à une forte inflation et à la dépréciation de la monnaie nationale.

La Livre turque a dévissé vendredi face au billet vert, atteignant ses plus bas historiques, à la suite de la crise entre Ankara et Washington, ce qui suscite l'inquiétude internationale, notamment dans le secteur bancaire.

Depuis le début de l'année, la devise turque a perdu près de la moitié de sa valeur face au billet vert  Elle s'échangeait à 6,43 livres pour un dollar à la clôture vendredi de Wall Street, soit une baisse de 13,7% après avoir perdu jusqu'à 24% au cours de la journée.

Dollar versus Allah

La crise turque a envoyé une onde de choc planétaire, entraînant dans son sillage les principales Bourses européennes qui ont toutes clôturé dans le rouge, touchant particulièrement le secteur bancaire.

« S'ils ont le dollar, nous avons Allah », a dit M. Erdogan, appelant les Turcs à ne pas s'affoler et surtout à convertir leurs réserves cachées en or ou en devises étrangères en livres turques afin de soutenir la monnaie nationale.

Déclarations chocs, sanctions, menaces de représailles, puis doublement des tarifs douaniers américains sur l'acier et l'aluminium turc : le ping-pong Ankara-Washington est allé crescendo ces derniers jours,

Au coeur de cette bataille : le sort du pasteur américain Andrew Brunson,  actuellement jugé en Turquie pour « terrorisme » et « espionnage », placé fin juillet en résidence surveillée après un an et demi de détention.

Les États-Unis demandent sa libération immédiate, alors que la Turquie plaide pour l'extradition de Fethullah Gülen, prédicateur turc établi depuis près de 20 ans sur le sol américain et soupçonné par Ankara d'être l'architecte du putsch manqué de juillet 2016.

« Il est mauvais d'oser mettre la Turquie à genoux avec des menaces concernant un pasteur », a lancé samedi M. Erdogan, lors d'un rassemblement à Unye, sur les rives de la Mer noire. « Honte à vous, honte à vous. Vous échangez votre partenaire stratégique de l'OTAN pour un prêtre ».

La Turquie et les États-Unis sont partenaires dans le cadre de l'OTAN et les États-Unis disposent d'une importante base à Incirlik, dans le sud du pays.

« Notre partenariat pourrait être en danger », a averti samedi le président turc dans les colonnes du New York Times, agitant la menace de « chercher de nouveaux amis et de nouveaux alliés ».

Des relations pas bonnes

Le président turc a assuré qu'il se conformerait à la loi au sujet du pasteur Brunson : « Nous n'avons pas fait jusqu'ici de concessions en matière de justice et nous n'en ferons jamais ».

Dans son tweet annonçant l'augmentation des tarifs douaniers sur l'acier et l'aluminium turcs, Donald Trump avait d'ailleurs reconnu : « Nos relations avec la Turquie ne sont pas bonnes en ce moment ».

L'Iran, qui a aussi connu cette année une chute vertigineuse de sa monnaie, en raison du rétablissement de sanctions des États-Unis qui se sont retirés de l'accord sur le nucléaire iranien, a pris samedi fait et cause samedi pour Ankara face à Washington.

« La jubilation éprouvée (par le président Donald Trump) en imposant des difficultés économiques à la Turquie, son allié de l'OTAN, est honteuse », a écrit le chef de la diplomatie iranienne, Mohammad Javad Zarif, sur Twitter.

« Les États-Unis doivent apprendre à maîtriser leur dépendance aux sanctions et à l'intimidation ou le monde entier se réunira et, au-delà des condamnations verbales, les y forcera », a souligné M. Zarif, en disant vouloir « soutenir » son voisin turc.