Une loi controversée sur l'interdiction du port du voile intégral dans l'espace public est entrée en vigueur mercredi au Danemark, où toute personne portant un vêtement qui lui cache le visage en public risque désormais une amende.

Pour ses détracteurs, cette loi constitue une violation de la liberté de choix des femmes, tandis que pour ses défenseurs il s'agit d'une mesure qui permettra une meilleure intégration des musulmans dans la société danoise.

À Copenhague et à Aarhus, la deuxième plus grande ville du pays, des manifestants, dont certaines portant le voile intégral, se sont rassemblés pour protester contre l'entrée en vigueur de cette loi. Selon un porte-parole de la police de Copenhague, il n'est pas prévu d'infliger d'amendes aux manifestantes qui portent un voile intégral.

Porter une burqa, voile qui couvre intégralement le visage, ou un niqab, qui laisse apparaître les yeux, dans l'espace public sera désormais passible d'une amende de 1000 couronnes (134 euros). Toute récidive pourra faire l'objet d'une amende pouvant atteindre 10 000 couronnes.

La loi cible également le port d'autres accessoires susceptibles de couvrir le visage comme les cagoules ou les fausses barbes. Elle n'empêche toutefois pas le port dans l'espace public du hijab, foulard qui ceint le visage sans le cacher.

Interrogée par le quotidien Berlingske, une musulmane de 30 ans a déclaré qu'elle avait «perdu foi dans le système». Née au Danemark de parents turcs, Sarah porte le niqab depuis ses 18 ans.

«J'ai réalisé que la démocratie ne fonctionne pas. Lorsqu'il s'agit de se moquer des musulmans et de dessiner des caricatures du prophète, les politiques se targuent de protéger les libertés et les droits des citoyens. Mais, à moi, ils me retirent le droit de choisir comment je souhaite m'habiller».

Le nombre de femmes qui portent le niqab ou une burqa au Danemark est inconnu. «Je ne sais pas combien de femmes portent la burqa ou le niqab au Danemark, mais elles devraient être punies par une amende», avait déclaré le ministre de la Justice Soren Pape Poulsen en février, selon l'agence danoise Ritzau.

Lorsque le gouvernement avait présenté sa proposition de loi en février, il avait déclaré que le niqab et la burqa n'étaient «pas compatibles avec les valeurs et le sentiment d'appartenance à une communauté au sein de la société danoise».

Sarah pense toutefois qu'au lieu de permettre aux musulmans de mieux s'intégrer, la loi pourrait avoir l'effet inverse et augmenter le sentiment de ségrégation.

«Si la mosquée devient l'un des seuls endroits où nous pouvons porter le voile, je pense que nous serons plus nombreux à nous y rendre».

«Parodie de libertés»

Amnesty International a condamné mercredi cette interdiction, la qualifiant de «violation discriminatoire des droits des femmes», particulièrement envers les musulmanes qui choisissent de porter le voile intégral.

«Si le but de la loi était de protéger les droits des femmes, alors c'est un échec lamentable. Au lieu de les protéger, la loi criminalise les choix vestimentaires des femmes - bafouant ainsi les libertés que le Danemark prétend protéger», a déclaré le directeur des campagnes d'Amnesty International en Europe, Fotis Filippou.

«Si certaines restrictions spécifiques au voile intégral sont légitimes pour des raisons de sécurité publique, cette interdiction systématique n'est ni nécessaire ni adéquate», a-t-il ajouté.

Le port du voile intégral reste une question délicate en Europe. L'année dernière, la Cour européenne des droits de l'homme a confirmé l'interdiction du voile intégral dans l'espace public en Belgique.

La France a été le premier pays européen à instaurer ce type d'interdiction en 2011. Les législateurs allemands ont quant à eux approuvé l'année dernière l'interdiction partielle de «se couvrir le visage».